La mer est d'huile. En ville, les clameurs d'une fête qui a duré toute la nuit résonnent encore. Mancini s'est retiré sur les hauteurs boisées, dans sa jolie villa, écrin de son existence tranquille. En compagnie d'un journaliste de «La Gazzetta dello Sport», il feuillette l'album de sa vie, fouille tout au fond de ses souvenirs pour retracer les sentiers qui l'ont mené à la gloire. Novembre 1964. A Jesi, non loin des paisibles rivages de l'Adriatique, Aldo e! Anna Mancini se penchent sur le berceau. C'est un beau bébé d'un peu plus de cinq kilos. Un garçon. Il s'appellera Roberto. Aldo est menuisier, fan de loot et de la Juve. Onze ans plus tôt, il a raclé le fond de ses poches et s'est offert un voyage au Stade Olympique de Rome, pour voir jouer la grande Hongrie de Puskas. Maintenant, il est dirigeant à l'Aurora, un petit club de Jesi. « Robi » grandit dans la chaleur d'une famille unie. Un enfant comme des dizaines d'autres, qui tombe amoureux de sa maîtresse d'école, se fracasse le visage sur un mur après une mémorable escapade en vélo et joue au football le soir, sur le terrain râpé de l'église Saint-Sébastien. Son premier ballon, il l'a gagné dans un concours organisé par une marque de fromages. Ses premiers matches, il les voit au stade Dall'Ara de Bologne, où papa Aldo le conduit souvent. Surtout quand il y a la Juve et Bettega, le joueur préféré du petit Roberto. L'été, sur les plages de Senigallia, il passe ses journées à taper dans son ballon. Une passion, une obsession. Plus rien d'autre ne compte. Robi a cinq ans lorsque ses parents l'inscrivent à l'Aurora. Il lui faudrait attendre encore un an, mais sa maman triche un peu sur son âge. Un petit mensonge de rien du tout, première pierre d'un château de rêves et d'espoirs.