4 march 2012
White Hart Lane,
London
Arbitre: M. Atkinson
Affluence: 36034
Onze Cents. Tel est le nombre de managers de clubs professionnels qui ont perdu leur poste en Angleterredepuisquele futur sir Alex succeda a Ron Atkinson en novembre 1986. Leur esperancede vie, pourtant plus longue dans ce pays que dans quelque autre en Europe, n'est plus que d'un an et six mois en moyenne. Seul Fergie est reste present, un quart de siecle, autant dire une eternite.
Peut-etre parce que, pour lui, cette eternite est d'abord un eternel present qui ne laisse pas de temps aux regrets. Steve McClaren, qui etait alors son assistant, a raconte comment, retrouvant son boss a Manchester deux jours apres que MU avait remporte la Ligue des champions de 1999, Ferguson n'avait pas fait une seule fois allusion au titre remporte a Barcelona. Il n'avait ete question que de la saison a venir, des trophees qui restaient a gagner, pas de celui remporte face au Bayern, dont la conquete I'avait pourtant obsede. L'homme, encore jeune, qui debarqua d'Ecosse en 1986 arrivait a Old Trafford barde de litres improbables acquis avec Aberdeen, mais aussi d'une reputation qu'il n'a pas completement perdue. Inflexible, emporte, pour ne pas dire violent, il avait multiplie les bras d'honneur a l'establishment. C'est que le seul reseau dont il fit jamais partie est celui qu'il se crea lui-meme. Pendant quatre longues saisons, il ne fit que survivre, malgre les millions depenses en joueurs par ses presidents Michael Knighton et Martin Edwards.
Seule une victoire en Cup en 1990, remportee par miracle, lui valut de conserver son poste. Par miracle, et par I'intercession d'un joueur nomme Mark Robins. Le 7 Janvier 1990, MU, 15e du Championnat, etait oppose au Nottingham Forest de Brian Clough en 32es de finale de cette competition. Robins, se levant du bane, marqua le but decisif qui sauvait son entralneur d'un limogeage predit par une presse qui voulait la peau de l'Ecossais. Et c'est encore Robins qui fit la difference lors de la demi-finale centre Oldham. Le condamné avait gagne son sursis, rien de plus. Un an plus tard, lorsque MU s'effondra dans les ultimes journees du Championnat pour offrir le titre a Leeds, Ferguson etait encore decrit comme un loser. C'etait avant qu'il leur fauche Cantona, bien sur, et que le loser ne devienne un ogre.
N'oublions pourtant pas que les deux decennies de succes presque ininterrompus qui suivirent furent aussi celles d'un penible apprentissage de l'Europe, de multiples clashes avec ses stars (Keane, Stam, Beckham, Rooney), de I'OPA des Glazer, centre laquelle son ame de militant socialiste se revoltait, d'une fausse retraite annoncee en 2001, de la fameuse affaire du cheval Rock of Gibraltar, de conflits permanents avec le corps arbitral, les medias et ceux de ses confreres qui ne I'acceptaient pas pour maltre: Wenger, puis Benitez, entre autres. Autant dire de quoi briser bien plus d'une vie que la sienne. Mais sir Alex a survecu. Parfois, lorsqu'il arrive a Carrington, des 7 heures du matin, il s'enferme dans son bureau apres une demi-heure passee au gymnase, puis son traditionnel breakfast d'un bol de cereales. Une tasse de the fumant a la main, il «evacue», pour reprendre son expression. Personne n'ose le deranger, evidemment. Et c'est pendant ces moments passes seul avec lui-meme que Ferguson engage un dialogue interieur secret; le secret de sa jeunesse, sans doute. Quand on reflechit bien, sir Alex Ferguson n'a que vingt-cinq ans.