Charity Match Unicef1982 Fifa World All Stars Europe

7 Aout 1982
Giants Stadium East Rutherford

 « Imagine le monde partageant tout... Tu peux dire que je ne suis qu'un rêveur, mais je ne suis pas le seul... J'espère un jour que tu nous rejoindras et que le monde ne sera qu'un... » C'est ce que pouvaient entendre les quatre-vingt mille spectateurs venus en masse, en ce soir d'été new-yorkais, applaudir les vedettes du «FIFA World All Stars Game ». match organisé au profit de l'U.N.I.C.E.F. et donc, par voie de conséquence, au profit de l'enfance malheureuse dans un monde que John Lennon. l'auteur des paroles, avait imaginé qu'il pourrait être, un jour, uni. Lui qui paya cette folle idée de sa vie... Assis entre mes amis, Lawrie Miflin du « New York Times » et Paul Gardner, j'eus, dès le début l'impression d'assister à une soirée exceptionnelle. Mieux, rare. Une folle nuit à la dimension de l'Amérique.

Efficaces comme à leur habitude, les jolies attachées de presse du Giants Stadium, le stade du New York Cosmos, distribuaient note d'information sur note d'information venant compléter le volumineux dossier qui nous attendait à chaque place. L'une d'elles retint immédiatement mon attention. Elle émanait de la « New Jersey Sports and Exposition Authority », nous informant que cent dix-sept mille personnes étaient, en même temps et à quelques centaines de mètres, en train d'assister à trois événements. Une course de trot, « The Humbletonian » sur le champ de course voisin avec, très exactement, 23 153 amateurs de chevaux. Un concert pop des Doobie Brothers rassemblaient 17 000 fans au Brendan Byrne Arena, une superbe salle couverte, construite initialement pour accueillir l'équipe de basket-bail des New York Nets. Enfin, à tout seigneur, tout honneur, 76 891 élus remplissaient à ras bord le plus moderne stade du monde, le déjà célèbre Giants Stadium. Résultat : 40 000 voitures étaient garées dans les parkings à ciel ouvert des trois enceintes. Oui, 40 000 voitures ! Et 76 891 privilégiés seulement (car dès le jeudi soir précédent la rencontre tous les tickets avaient été vendus alors qu'on avait enregistré plus de cent mille demandes de places) pour, peut-être, le plus beau match de football de l'année. Pour, en tout cas, la plus belle affiche de l'année. Avec dans les rôles principaux, pour l'Europe : les Italiens Paolo Rossi. 

 Giancarlo Antognoni, Marco Tardelli, Dino Zoff, le Polonais Zbigniew Boniek, le Russe Oleg Blokhine, l'Anglais Kevin Keegan, les Néerlandais Ruud Krol et Johan Neeskens, l'Autrichien Bruno Pezzey, le Français Michel Platini sans oublier celui qui fut le plus conspué. Harald Schumacher (la retransmission de R.F.A. France ayant soulevé aussi aux U.S.A. une flambée de protestations après l'agression du portier allemand sur Battiston). Pour le Reste du Monde, la présence de cinq Brésiliens rehaussaient le niveau déjà haut : Oscar, Falcâo. Zico, Socrates et Junior avaient dit oui pour ce match de gala. Le Camerounais N'Kono et l'Algérien Belloumi représentaient l'Afrique. Leurs autres amis s'appelaient, pour un soir, Faiçal Al-Dakhil (Koweit), Jaime Duarte (Pérou), Hugo Sanchez (Mexique), Rick Davis (U.S.A.). Jupp Derwall et Télé Santana étaient les deux entraîneurs, Beckenbauer et Pelé, les deux capitaines. Mais si Beckenbauer tint sa place dans l'équipe d'Europe, Pelé se contenta de donner le coup d'envoi sous les sifflets de la colonie italienne venue en nombre. Les « tifosi » ne lui pardonnaient pas ses écrits restrictifs concernant la victoire de l'Italie contre le Brésil en Coupe du Monde. Sifflé aussi, presque conspué. Chinaglia. l'avant-centre du Cosmos, naturalisé américain et jouant avec le Reste du Monde. Chinaglia. « traître » à sa propre patrie. Et ce soir, la foule venue fêter d'abord les quatre fois champions du monde ne pouvait le lui pardonner. Une foule qui hurla sa joie d'être là. à l'entrée des deux équipes. Un défilé de drapeaux à la mesure de l'événement. Platini faisant son entrée entre Pezzey et Paolo Rossi. Platini-Rossi. un duo qui semble bien s'entendre dans la vie et bientôt, à coup sûr. sur tous les terrains du monde. Et puis aussi, émouvant au-delà de la politique, le Polonais Bonick et le Russe Blokhine. A l'applaudimètre. Paolo Rossi se tailla la part du lion. Il dut même saluer par deux fois, poussé par son complice Platini qui reçut, lui aussi, une fantastique ovation. Aurait-elle été la même s'il n'avait pas signé à la Juventus ? 

 Un absent que tout le monde aurait aime saluer, c'était... Alain Gircsse. appelé déjà aux tâches du Championnat de France. Le modeste Giresse. grand par le talent et qui avait « crevé » l'écran au cours du Mundial. Je dus m'expliquer plusieurs fois sur la raison de son absence. Pour que la fête fut complète, on aurait souhaité la présence d'un Argentin. Maradona. surtout, contraint avec Barcelone de jouer une rencontre amicale pour une grosse poignée de dollars. La rencontre allait être télévisée dans près de quarante pays et nous pouvions regretter que la France ne figure même pas dans la liste des nations qui retransmettraient le match en différé. Alors qu'en Algérie, au Brésil, en Argentine, en Italie, au Mexique, en Chine, en Grande-Bretagne ou en République Fédérale d'Allemagne, on avait plus de chance. En première mi-temps, les « European Ail Stars » se présentèrent dans la composition suivante : Zoff (Ita-lie)-Tardelli (Italie). Krol (Hollande). Pezzey (Autriche). Stojkovic (Yougosla-vie)-Beckenbauer (R.F.A.). Humberto (Portugal). Antognoni (Italie)-Boniek (Pologne). Rossi (Italie). Blokhine (L'.R.S.S.). Jupp Dcrwall avait gardé Michel Platini en réserve en compagnie de Keegan. Neeskens. Bogicevic, Schumacher. Le « Rest  of the World  All Stars» alignait : N'Kono (Cameroun)-Duarte (Pérou). Oscar (Brésil). Romerq (Colombie), Junior (Brésil) Falcào Socrates Zico (Brésil)-Belloumi (Algérie). Chinaglia (U.S. A.). Sanchez (Mexique). Sur le banc de touche : Faical-Al-Dakhil (Koweït). Rick Davis (U.S.A.). Roberto Figueroa (Honduras). Yasuhiko Okudera (Japon), Julio César Arzu (Honduras). Le tour du monde du football... 

 L'acteur Danny Kaye demanda à la foule de faire le plus de bruit possible. Le vacarme assourdissant qui ponctua sa demande fut un modèle du genre, peu avant que Belloumi n'adresse à Zoff le premier tir de la partie. Le second essai fut signé Zico. Un joli centre lobé de Beckenbauer, un tir raté de Bpniek qui s'attira les sifflets de la foule, le match était lancé. A l'avantage du Reste du Monde qui bénéficiait de l'homogénéité de son milieu de terrain brésilien. Pas de coups à l'adversaire, une bonne ambiance sur le terrain. Une sortie spectaculaire de N'Kono. un sauvetage de Junior : les Européens applaudissent. Avant d'encaisser deux buts. Toujours poliment. Un échange Chinaglia. Sanchez, Zico. pour le premier. Un exploit de Socrates prolongé par Belloumi pour le second. Un peu vexés, les Européens passèrent la vitesse supérieure. N'Kono décolla sur une reprise instantanée d'Humberto et Rossi tira sur la barre. La rentrée de Keegan allait apporter du punch à l'Europe, celle de Michel Platini du liant au milieu de terrain, même si Michel, un peu froid, rata ses trois premières passes. Keegan réduisit l'écart. Pezzey égalisa. La foule était aux anges. Mais elle attendait surtout un but d'un Italien. Ce qui fut fait par l'élégant Antognoni. Le stade explosa comme pour une finale de Coupe du Monde. Ce soir-là, le «soccer» était gagnant. La fête se prolongea fort tard dans les parkings, les « Italiens » fêtant comme il se devait le but d'Antognoni, un boulet de canon qui eut raison de la vigilance de N'Kono.

Le public américain avait aussi donné la preuve qu'il peut venir en très grand nombre si l'affiche est bonne. Mais, et c'était la question, combien allaient-ils être, quatre jours plus tard, pour le match du championnat New York Cosmos-Toronto ? D'autant plus que le Cosmos, invaincu sur son terrain, était déjà assuré de participer à la phase finale. Environ 25 000, prédisaient Lawrie Miflin et Paul Gardner, chiffre honorable au niveau mondial mais un peu juste pour le formidable budget du Cosmos. Et surtout, chiffre en régression par rapport à l'année précédente. Le public, lui, veut des Cruijff, des Beckenbauer, des Pelé. Les dirigeants, eux, veulent équilibrer leurs budgets. De là un certain divorce entre les deux parties. Et comme la télévision passe de plus en plus de « soccer », elle constitue un danger pour les affluences (un problème archi connu). A noter que ce sont les chaînes dites par câble qui programment le « soccer » à la télévision. Dont une, E.S.P.N. qui diffuse du sport, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Une autre alerte, me confirmeront mes amis américains, c'est le fantastique développement du « soccer » en salle dit « indoor ». Dans beaucoup de villes, les moyennes de spectateurs en hiver sont largement supérieures à celles de l'été. Une bonne affaire pour les businessmen, d'autant plus que les effectifs sont plus réduits. La télévision trouve aussi son compte, casant mieux dans les temps morts ses messages publicitaires. Alors, danger ? Peut-être, mais n'oublions surtout pas le véritable phénomène sociologique, au niveau des enfants américains, qu'est la préférence marquée pour la pratique du « soccer » dans toute l'Amérique. On n'arrêtera pas une telle marée humaine. Même s'il faut encore dix ans pour s'en apercevoir à un haut niveau de compétition. Dans les vestiaires, après la rencontre, c'était l'affluence des grands joueurs. 

A peine sorti de la douche, Paolo Rossi fut cerné par une meute de journalistes buvant littéralement ses paroles, certains de nos confrères étaient même montés sur des chaises pour mieux dominer la situation. La moindre banalité émise par l'avant-centre italien recueillait l'approbation générale. C'est vrai que ce n'est pas tous les jours que les champions du monde de football sont de l'autre côté de l'Atlantique. Un autre joueur avait aussi beaucoup de succès, à cause de la langue anglaise commune, c'était notre ami Kevin Keegan qui dut au moins raconter vingt fois comment il avait marqué son but. Boniek et Blokhine étaient beaucoup plus au calme. Ils rirent beaucoup lorsqu'un employé remit à l'un une enveloppe au nom de l'autre et vice-versa. Rassurez-vous, il ne s'agissait pas d'une caisse noire, mais de leurs montres qui avaient été mises sous bonne garde peu avant la rencontre. Michel Platini affichait un sourire radieux même s'il regrettait de n'avoir joué que dix minutes. Jupp Derwall. avec lequel il entretient des relations distantes, l'avait jugé blessé. Ce que niait formellement l'intéressé. Peu importe c'était un soir de fête. En attendant, peut-être, un autre jour de fête. Celui où les autorités de la FIFA annonceront que les U.S.A. ont été choisis pour organiser la prochaine Coupe du Monde de football. Ce jour-là, une imense machine moderne et efficace se mettra au service du ballon rond, lui donnant, dans ce pays, ses véritables titres de noblesse. Et avec déjà des promesses, comme celles de Steve Ross, le patron de la Warner, le super « bigboss » du Cosmos :« Si les États-Unis sont choisis et si New York accueille l'un des groupes, je jure, à titre personnel, de remplacer en huit jours la pelouse synthétique en gazon frais. Et de payer la facture ! »

repost lien mort retrouvé 

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