« Le museau était couvert par un loup en satin noir à travers lequel brillaient deux gouttes : les yeux. » Joseph Kessel, écrivain sublime de l'aventure et du rêve des hommes, commence ainsi son œuvre sans doute la plus élaborée par la peinture d'un petit lion qui deviendra, au fil des pages, un véritable chef-d'œuvre. Maintenant, je sais pourquoi j’ai repensé au lion de Kessel en vivant comme tout le monde l’épopée des joueurs du Cameroun en Italie. Le roman qu’ils ont écrit là-bas restera à jamais comme un des plus beaux chefs-d'œuvre de l’histoire du football. Beau parce qu'inattendu, beau parce que nourri de la seule inspiration des hommes, beau parce que généreux sans le vouloir, sans le savoir et sans le rechercher, beau parce que débridé, puis tour à tour génial et naïf ainsi que l’est encore l’âme du peuple africain. En voyant les joueurs du Cameroun se faire les griffes sur le dos des Argentins et des Roumains, je me suis surpris à croire que je n'étais pas au Mondiale, là où d'autres plus vertueux, plus riches, plus confirmés semblaient mettre toute la force de leurs talents au service de tactiques recherchées en laboratoire par des génies formés à l’école de la supercherie. C'est en prenant, je crois, le contre-pied de ces techniques élaborées à coups de règle à calcul que les Camerounais ont réhabilité au plus haut degré le plaisir de jouer. Et qu'ils sont devenus des Lions indomptables.
Tout a commencé par un coup de tonnerre qui a fait sortir les Lions de leur tanière. C'était contre l’Argentine du dieu Maradona dans un match d'ouverture qui tourna au cauchemar pour les champions du monde en titre. François Omam-Biyik, par un coup de tête où l’invraisemblable rejoint la démence, passe de l’anonymat de Laval au panthéon du football international. C'est lui qui déboulonne les statues, c’est lui qui abat l'Argentine, c’est lui qui fait connaître le Cameroun dans les coins les plus reculés de la planète. Car, à ce moment-là, nous sommes plus d'un milliard, les yeux rivés sur les petits écrans, pour découvrir que l’Afrique n’est pas seulement un peuple en boubou qui psalmodie en se protégeant du soleil sous les cocotiers. Omam-Biyik qui fait passer Maradona au second plan... C'est la plus grosse farce de ce premier tour de la Coupe du monde, d’autant que neuf Lions ont suffi pour dévorer onze champions du monde. On croit rêver un peu plus tard quand on apprend que, dans le délire qu'on imagine à Douala, quatre sorciers se sont penchés sur une bassine d’eau sacrée où flottait un Maradona en chiffon piqué par dix aiguilles, histoire de le clouer au sol. Au Cameroun, l’histoire a fait rapidement le tour du pays et les quatre marabouts sont devenus des prophètes, car, là-bas, tout le monde a vu le Roi Diego passer son temps le nez au ras de l'herbe du San Siro de Milan. On ironise alors en invitant les sorciers à se pencher sur les finances de l'Etat qui n'aurait pas les moyens d’honorer ses engagements envers une sélection nationale en train de pomper les économies du pays. La prime de participation au Mondiale, évaluée à 120 000 francs par joueur, avait été assortie d'un bonus spécial de 60 000 francs en cas de victoire sur l’Argentine. Mais c'était à l'époque où les Lions n’étaient pas indomptables, et personne alors ne croyait réellement en leurs chances. Désormais, l'Etat camerounais pourra- t-il tenir ses promesses ?
Premier Tour Groupe B
8 Juin 1990
Guiseppe Meazza Milan
FR
WC.1990.Arg.Cam.twb22.mp4
3.4 Go
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pass OmamBiyik
Une fois partis en chasse, les Lions ne se sont pas contentés de la dépouille de l’Argentine. Premiers à avoir marqué, ils ont été les premiers à se qualifier pour le tour suivant en exécutant une équipe de Roumanie suffisante à en devenir insupportable, à l'image de Georghe Hagi, son meneur de jeu, qui a sans doute un Stradivarius dans les pieds, mais qui ne le sait que trop...
Quatre ans après les Tabors marocains, les Lions du Cameroun permettent au continent africain d'envoyer un de ses représentants en huitièmes de finale d'une Coupe du monde. C'est la preuve qu’il n’y a plus de petites équipes. Et Roger Milia n’est pas le dernier à le clamer, lui qui est devenu une légende vivante après ses deux buts réussis face au capitaine roumain, Lung. L'exploit d’un vétéran de trente-huit ans, rentré après une heure de jeu pour emmener son équipe sur la voie royale grâce à deux tirs (pied droit, pied gauche) à dix minutes d'intervalle (77e et 87e) , prouve bien que lorsqu'on n'enferme pas le génie dans des schémas tactiques d’écoles de guerre on peut ne pas être un vieillard à vingt-cinq ans. Flibustier des surfaces de réparation de tout l'Hexagone, Milia aura perdu beaucoup de temps à croire que sa différence venait de sa couleur de peau alors qu'elle n’était que le fruit de son talent...
On ne retiendra sans doute que les deux buts d’un Milia sacralisé après la qualification, oubliant que ce jour-là le Cameroun a su appliquer quelques consignes de base tout en laissant galoper son imagination. Ce n’est pas là le moindre des mérites de Valeri Nepomniachi, entraîneur inconnu, qui décide de choisir un gamin de vingt ans (Maboang) pour mettre du fil aux pattes de Michael Klein, qui comprend qu’Onana et Ebwelle ont intérêt à pratiquer un marquage flottant sur Raducioiu et Lacatus (individuel à l’approche du but, de zone partout ailleurs) , qui sait qu’Emmanuel Kunde doit être le ciment de cette équipe et lui donne sur le terrain le sceptre du chef de tribu. Nepomniachi, Turkmène de quarante-sept ans, a beau communiquer avec ses joueurs en utilisant les services de trois interprètes, il a rapidement tout pigé de l’âme africaine. Et Kunde demandant lui-même à être remplacé au moment où les Lions avaient besoin de sang neuf (Pagal) symbolise à merveille le nouvel état d’esprit d’une équipe métamorphosée. Bien sûr, les Lions ont été mis en cage par une équipe soviétique pressée d’expédier les affaires courantes (4-0) avant de rentrer prématurément au pays. Pour l’une des deux équipes, le mal était déjà fait et pour l’autre l’esprit était déjà en huitièmes de finale. C’est ce que Nepomniachi laisse entendre après le match. Il oublie peut être de dire qu’il a été l’adjoint de Lobanovski à Dniepropetrovsk et que le rusé entraîneur de l’URSS, qui le connaît comme son rejeton, a peut-être déjoué toutes ses dispositions tactiques... Le chœur des Camerounais après ce coup de semonce reprend sans cesse la même litanie. « On avait tout donné dans les deux premiers matches. Cette fois, on était nases », Pagal. « On était cuits. On avait laissé trop de jus contre l'Argentine et la Roumanie », Milia. « Après une première semaine difficile, ce relâchement était compréhensible », Makanaky.
Joueur de devoir mais aussi homme de ra son, Emmanuel Kunde projette ce résultat sur l’écran de l’avenir camerounais. « Finalement, ce n'est peut-être pas plus mal comme ça. Au moins, maintenant, on sait gu’il va falloir faire de nouveau très attention à notre préparation et ne pas vivre sur l'acquis de nos deux premières victoires. » Kunde se retient pour ne pas dire au staff technique qui encadre le Turkmène qu’il n’est pas encore le meilleur du monde comme certains gonfleurs de baudruche avaient eu tendance à le croire un peu trop vite. C’est seulement avec les pattes bien plantées sur le sol que le lion est vraiment dangereux... Cyrille Makanaky n’est pas du genre à perdre la boule. Et, quand il démarre, Roberto Sensini reste bloqué dans ses starting-blocks. C’est l’image des Lions du Cameroun qui se font les griffes sur le dos des Argentins.
pass OmamBiyik
DOCUMENTAIRE CAMEROUN
Lions.Indompt.twb22.mp4
1.3 Go
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