Le F.C. Bruges, inamovible champion de Belgique depuis bientôt trois ans, quart-finaliste de la Coupe d’Europe en 1977, finaliste de la Coupe U.E.F.A. en 1976, est devenu en quelques années un « grand » du football européen. Pourtant, en 1974, il était moribond, avec un trou budgétaire de cent millions de francs belges, soit près d’un milliard et demi d’anciens francs. Il n’avait été sauvé que par l’association de quinze industriels investissant dix millions de francs belges chacun pour, à la fois, éponger le déficit, acheter le terrain du «Klokke» où serait édifié le stade, et renforcer l’effectif. « Klokke» signifiant cloche en flamand, on n’a pas tardé à surnommer les quinze hommes « les carillonneurs de Bruges». Leur meilleure initiative, à ces carillonneurs, c’est d’être allé chercher un entraîneur de dimension supérieure, réputé pour sa compétence technique et son autorité : l’Autrichien Ernst Happel, ancien international (51 sélections) du Racing Club de Paris, qui a déjà mené Feyenoord à la conquête de la Coupe d’Europe et de la Coupe Intercontinentale (en 1970).
Happel n’est pas un gai luron. Avec ses lèvres boudeuses, son nez épaté et ses yeux de porcelaine injectés de sang, il a tout du bouledogue. En pire. Au capitaine bru- geois de l’époque venu lui exposer ses idées tactiques, il répond brutalement : « Ne te tracasse pas avec ça, mon gars, c’est moi que ça concerne. » Il fait des coupes claires dans l’effectif, impose ses idées, expulse les dirigeants du vestiaire et transforme le F.C. Bruges en club professionnel. La saison dernière encore, il a donné une leçon à ses joueurs lesquels, les téméraires, s’étaient plaints de la mauvaise qualité d’un repas d’après match. Quinze jours après, il avait fait arrêter le bus de l’équipe devant une épicerie et dit à ses joueurs : « Chacun achète son pain et son café. » Ernest, Ernst si vous préférez, ne badine pas avec la discipline.
Ancien arrière central de l’école viennoise, c’est-à-dire remarquable footballeur à la technique et à la vision du jeu affinées, Happel est délibérément tourné vers l’offensive. Mais pas n’importe quelle offensive. Son équipe doit jouer intelligemment, avec ses moyens du jour, sans rien oublier de son cadre collectif et de ses responsabilités individuelles. C’est ainsi qu’elle s’appuie sur le hors-jeu, un piège fignolé au millimètre et qui fonctionne comme une horloge.
Quart de Finale Aller
1er mars 1978
Olympiastadion Brugge
En quart de finale aller, Bruges accueille l’Atletico de Madrid, tombeur de Nantes mais incapable de retrouver son niveau de la saison précédente. L’équipe espagnole a récupéré Leivinha, un formidable attauant brésilien dont l’un des genoux, ouvert deux fois par le chirurgien, a déjà gâché dix-huit mois de la carrière. Bruges a alors quatre points d’avance sur le Standard de Liège, en championnat de Belgique, ce qui lui apporte la plus grande sérénité. L’équipe belge démontre sa forme du moment en monopolisant le ballon et le jeu, en faisant courir ce ballon avec une précision extrême et d’un bord à l’autre du terrain. Par opposition, l’Atletico se montre nerveux, brouillon et souvent maladroit, notamment en défense. C’est ainsi qu’à la 43e minute, le jeune Ruiz « aux dents trop vertes » (comme va l’écrire un journaliste espagnol) offre à Courant l’occasion d’ouvrir le score. Rien n’est encore joué, tout va l’être dans les vingt premières minutes de la deuxième mi-temps. Trois minutes et demie après le repos, l’arbitre allemand M . A ld inger refuse un but de Leal pour un hors-jeu de Cano. Cinq minutes à peine après cet événement, De Cubber intercepte un ballon de Leal et s’en va battre Reina, pas très inspiré sur l’action. Douze minutes après le 2-0 des Brugeois, Cano entre dans la surface de réparation de ceux-ci, et se fait cueillir par Leekens : penalty, dit M. Aldinger. Un penalty, en Coupe d’Europe ou en Coupe du monde, ça ne se manque pas, dit-on. Ça ne devrait pas se manquer, du moins. Ça se manque, pourtant. En l’occurrence, Marcial le tireur n’a pas grand chose à se reprocher. Il a frappé fort, dans un coin. Mais le diable a jailli, avec sa fourche et ses cornes. Le diable s’appelle Birger Jensen, un gardien danois de 27 ans venu de Copenhague à Bruges en 1973, que l’on dit lunatique, capable de tout, dans un sens comme dans l’autre, imprécis dans ses sorties mais extraordinairement brillant sur sa ligne de but. « Quant il est en forme, disent ses coéquipiers, il va nous décrocher la Lune».
C1.1977.1978.Brug.AtlMad.twb22.mp4
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