26 Juin 1992
Stadium Nya Ullevi
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Torben a une étrange couleur. Rosé goret. C'est un beau bébé de deux mètres ou presque, élevé à la Carlsberg, à peine rôti par les rayons d'un soleil farouche. Trois heures qu'il traîne sur l'herbe de ce petit parc de Gôteborg, affalé sur son immense drapeau rouge et blanc. Il a quitté Saeby, sa pâtisserie et son vélo la veille au soir : direction Fredrikshavn et le ferry pour la Suède. Comme des milliers de ses compatriotes, peinturlurés et braillards, amassés sur le pont arrière des gigantesques bateaux. En route pour la gloire. Tout un peuple derrière son équipe. Torben avait douze ans en 84. Quand les premiers pétards de la «Danish dynamite» explosaient du côté de Paris, de Strasbourg ou de Lyon. Son idole, c'était Elkjaer-larsen, « le bison ». Naturellement. Aujourd'hui, il avoue un faible pour Flemming Povlsen. Il aime sa manière de rentrer dans le chou de l'adversaire, de lui fracasser le moral. Le foot, c'est pas un sport de gonzesses. D'ailleurs, il est sûr que Flemming va planter ce soir. L'Allemagne, il connaît : il y joue. Tu vas voir, il va te bouger tout ça, ça ne va pas faire un pli. Cuits, les Danois? Tu rigoles !...
Confiant, Torben. Il s'est installé dans un virage, avec ses potes. Il a patienté, comme tout le monde, avec un orchestre ringard venu tout spécialement de New York, planté sur la pelouse d'Ullevi. Il a repris avec entrain le refrain joyeux des Monty Python, «The bright side of life », le bon côté de la vie. Un refrain comme on les aime, propice à la fête, tout à l'image d'une sélection danoise tonique et enthousiaste, prête à défier l'Allemagne championne du monde sans le moindre complexe. Pour le premier titre de son histoire, ils arrivent. Visage grave, lèvres pincées. Onze drôles de types, moulés dans un maillot rouge vif. Les traits tirés par trop d'eflorts. Enfin, quoi : voilà des garçons qui s'apprêtaient à partir sagement en vacances et que l'on invite au dernier moment à une boum sur écran géant. A se dépenser sans compter. A ce petit jeu, ils ont déjà perdu deux des leurs, Christensen et Andersen, brisés menu. Mais ils ont renvoyé chez eux la France, l'Angleterre et les Pays-Bas, sans compter. Déjà à court de préparation, durement éprouvés par une terrible prolongation en demi- finale, personne n'ose miser une couronne sur leurs chances. Surtout qu'en face, il y a l'Allemagne. Mais quelle Allemagne? Ce pâle reflet de son aînée.
Championne du Monde deux ans plus tôt ? Ce prétendu destroyer qui n'est en fait qu'un frêle esquif, qui prend l'eau dès le premier match contre la CEI, se lait bousculer par les Scots, anéantir par les Oranges et tourmenter par une Suède de deuxième zone? L'Allemagne n'est plus ce qu'elle était. Surtout sans Matthàus ni Voller. Surtout sans le « Kaiser», Franz Beckenbauer. Et si elle est en finale, elle peut remercier la chance plus que le talent. Torben exulte: c'est parti Consignes défensives strictes : Kohler se colle aux basques de Povlsen et Buchwald à celles de Laudrup, prêt à le manger, comme il avait dévoré Maradona au Mondiale. De l'autre côté, on distribue les tâches. Kent Nieisen et Piechnik se partagent Klinsmann et Riedle, au gré de leurs mouvements. Christofte, côté gauche, bloque le couloir de l'insaisissable Hâssler. Les Danois, un peu impressionnés, laissent venir, encaissent sans broncher un raid de Reuter stoppé par le remarquable Schmeichel, un déboulé de Sam-mer ou une tentative de Buchwald. lllgner s'apprête à passer une soirée cool. Et puis, il y a ce contre, ce ballon arraché par Vilfort côté droit, ce centre en retrait de Povlsen pour Jensen et cette frappe limpide Un — zéro. En un éclair, le Danemark vient de balayer l'excès de confiance des Allemands, en un mot : de les remettre à leur place. Klinsmann a beau se multiplier, Hâssler a beau se tortiller frénétiquement sur son flanc droit : rien n'y fait. Au vestiaire, Berti Vogts est colère. Il sort Sammer pour lancer Doll. Un ex-Allemand de l'Est en chasse un autre. Pour jouer plus vite et, surtout, plus court. Le résultat est probant. Doll passe la surmultipliée, donne un sérieux coup de louet à rentre-jeu et de sérieux coups de latte au malheureux Jensen, sous l'oeil placide du Suisse Galler.
On sollicite beaucoup le vieux Brehme, on attend beaucoup de ses centres au deuxième poteau, des remises en retrait de Riedle, de l'opportunisme de Klinsmann. On croit que ça va finir par payer. Les Danois paraissent proches de la rupture, prêts à craquer, à exploser de toutes parts. Mais non : Schmeichel, d'une manchette, Nielsen, d'une aile de pigeon ou d'une jambe bien jetée, écartent le danger. Mais où vont-ils donc chercher toutes ces ressources? Comment peuvent-ils endiguer cette écrasante pression ? Comment Laudrup peut-il encore plonger dans l'axe avec autant d'aisance et de fraîcheur? Comment Povlsen peut-il encore aller récupérer ce ballon que l'on croyait mort dans les pieds d'un Allemand trop facile? Comment Vilfort parvient-il à s'arracher pour aller marquer le but du triomphe ? Comment font-ils ? Les théoriciens de la préparation, apprentis-sorciers du pauvre, en perdent leurs derniers cheveux. Ces Danois ont du tonus à revendre. Ils ne savent pas seulement jouer au football, ils savent aussi se battre et se défoncer. Ils sont euphoriques, magnifiques. Couché sur le frais gazon d'Ullevi, Kim Vilfort (qui fit jadis un passage plus qu'anonyme à Lille) semble dans un état second. Comme sublimé par les bouffées d'un énorme pétard. Il vient de signer la plus belle page de l'histoire du football danois et il se demande ce qui lui arrive. Dix minutes à tenir, encore, tandis que les fans se mettent à entonner « Auf Wiedersehen » sur l'air des lampions.
Les derniers rushes allemands ont quelque chose de pathétique. La toute-puissante Allemagne s'effondre. Flemming Povlsen est le premier à entendre le coup de sifflet final, le premier à lever les bras au ciel. Ça y est : le Danemark est Champion d'Europe. Un feu d'artifice éclate au beau milieu du terrain. Dans les volutes d'une fumée acre, une bande d'écoliers effrontés et ivres de bonheur entame une lolle sarabande, trophée en main. Plus tard, dans la salle de presse agitée, le sélectionneur national Richard Môller-Nielsen se montrera calme et pondéré, unissant dans ses louanges l'ensemble de ses joueurs. Avec une mention "spéciale à Peter Schmeichel qui s'est affirmé, tout au long d'une lolle quinzaine, comme l'un des meilleurs gardiens du monde. Brian Lau-drup, le Irère de l'autre, ira de sa petite phrase : « Maintenant, je vais aller boire une bière... ou peut-être deux... ou peut-être trois...» Et puis, ils sont sortis des vestiaires, sans très bien comprendre ce qui leur tombait sur le coin du nez. Il y a là Lars Olsen, héroïque capitaine, qui raconte qu'il a appris la nouvelle de l'invitation à l'Euro alors qu'il revenait de Turquie (où il joue) en voiture. A la radio. Ça le fait bien marrer, Lars. Il dit aussi que ce succès, hélas, ne changera rien à la réalité du football au Danemark, où l'expérience du professionnalisme a tourné court et où tes meilleurs joueurs continueront de s'expatrier. Il résume l'état d'esprit du groupe, celui qui l'a mené au succès: «Iriendship», amitié. Il espère enfin que cette étoile naissante ne sera pas une comète, que le Danemark confirmera. Dès l'automne, sur la route, longue et désormais jalonnée d'adversaires plus attentifs et méfiants que jamais, de la World Cup américaine. Les Etats-Unis, Torben n'y est jamais allé. Le bateau ne l'a jamais amené plus loin qu'Ullevi. Et ne l'amènera jamais plus loin qu'au bout de son rêve. Ce soir, lui aussi est Champion d'Europe. Il a promis d'aller fêter ça sur l'Ave-nyn, les Champs-Elysées de Gôteborg. Il espère y trouver de la bière et des jolies femmes. Il leur dira d'où il vient, fièrement. Car cette nuit, et pour les nuits à venir, le Danemark est le centre de l'Europe. Le Roi.
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