European Cup 1978 1979 Dynamo Berlin Nottingham Forest

 Nottingham Forest a mal passé l’hiver. Il est tombé à la huitième place du championnat d’Angleterre, a subi onze défaites et laissé partir surprise des surprises Tony Woodcock au F.C. Cologne. Brian Clough et Peter Taylor n’étaient évidemment pas favorables à ce départ mais ils n’avaient guère de moyens pour s’y opposer, le contrat du jeune international expirant en juin 1980 et débouchant automatiquement sur la liberté de s’en aller.  Clough proposait 1 500 livres par semaine (près de six millions anciens par mois) à Woodcock pour qu’il reste. Cologne en proposait 250.000 pour deux ans (plus de neuf millions par mois) afin qu’il vienne. Le match était difficile. «Je ne pars pas seulement pour l’argent, a expliqué Woodcock. Rester à Forest aurait été pour moi la chose la plus facile du monde. J’y ai été heureux pendant sept ans. Mais il faut savoir partir vers de nouveaux horizons, se remettre en question. »  Le transfert a donc été conclu en novembre 1979, juste après les huitièmes de finale de la Coupe d’Europe. Cologne a payé une indemnité de 2,5 millions de marks (600 millions A. F.) mais Clough a haussé les épaules : «Compte tenu des tarifs pratiqués, comment voulez-vous que nous trouvions, avec cette somme, un joueur du même calibre que Woodcock ? »  Ce départ accentue les problèmes que connait Forest depuis le transfert de Gemmill et la retraite de Clarke, l’articulation du milieu de terrain et de la défense se faisant infiniment moins bien. L’échec d’Asa Hartford (venu puis reparti en quatre semaines), l’engagement de Stan Bowles (un garçon caractériel) et l’essai de Charlie George (en proie à des problèmes musculaires, et qui va se couper un orteil dans une tondeuse à gazon) témoignent de cette quête au renforcement.  

Match Retour

19 mars 1980

FriedrichLudwig Jahn Sportpark

  

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En janvier-février 1980, Nottingham Forest a remporté la supercoupe d’Europe qui oppose, chaque année depuis 1972, le vainqueur de la Coupe des Champions au vainqueur de la Coupe des Coupes. Ce n’est pas un test très probant ni pour Forest car Barcelone est l’ombre de lui-même ni pour Charlie George qui va repartir à Southampton.  Le vrai test vient en mars avec la venue de Dynamo Berlin au City Ground. L’équipe est- allemande a une moyenne d’âge inférieure à vingt-quatre ans, et elle est dirigée par un technicien de trente-deux, Jurgen Bogs. Elle n’a perdu qu’un seul de ses 26 matches, la saison précédente, pour être championne, et sa défense n’a encaissé que 18 buts. « L’an dernier, nous étions encore trop naïfs, explique Bogs. Nous avions battu l’Étoile Rouge 5-2, et nous avions été éliminés 4-1 au retour. Cela ne nous arrivera plus. Cela dit, je ne suis jamais très heureux ni très optimiste quand mon équipe doit affronter un adversaire britannique. Celui- ci est toujours en forme, toujours rude, présent pendant 90 minutes, supérieur à tous dans le jeu aérien et d’une grande puissance dans le tacle. Quand il s’agit, de surcroît, du champion d’Europe, nous sommes pleins de respect. » 

 

Pour la première fois en quatorze matches de Coupe d’Europe joués consécutivement, Forest découvre l’inquiétude de la défaite (0-1). Dix jours plus tard, il perd la finale de la Coupe de la League, à Wembley, sur le même score, quatorzième revers d’un long chemin de croix. Nottingham, est-ce fini ?  L’homme en question est Trevor Francis. Son utilisation, sur le terrain, n’est pas nette. Depuis son arrivée à Forest, il a surtout joué au milieu du terrain, plutôt sur le côté droit puisque Woodcock opérait tout près de Birtles, sur le flanc gauche. Le départ de Tony à Cologne aurait dû alors entraîner d’autres choix que ceux qui furent faits, Francis ayant toujours évolué en position d’inter gauche, du temps qu’il jouait à Birmingham City. Ron Greenwood, le sélectionneur, l’a d’ailleurs souligné : «Trevor est plus à l’aise à gauche. Il a de plus grandes possibilités pour s’ouvrir les angles sur ses tirs du pied droit. »  En lisant la presse, le lundi qui suit la finale de la Coupe de la League, Trevor Francis découvre les vives attaques portées contre lui par Brian Clough. Le manager de Forest laisse entendre que l’artiste n’en donne pas suffisamment pour l’argent qu’il reçoit, qu’il n’est pas assez concentré sur les objectifs vitaux, bref qu’il n’est pas à la hauteur de sa réputation. En arrivant à Berlin, deux jours avant le match- retour, Francis n’adresse pas la parole à Clough. Celui-ci n’en est ni étonné, ni offusqué : «Je ne m’attendais pas à ce qu’il m’apporte des fleurs. J’espère seulement qu’il a reçu mon message.» 
Clough a modifié un peu son équipe du match-aller, donnant à Needham le poste de Burns et remplaçant Bowles par le fidèle Bowyer. Quarante-cinq minutes avant le coup d’envoi, le manager remarque le visage sinistre de Trevor Francis. « Il ressemblait, comme dit ma mère, à un lapin à neuf pence, expliquera un peu plus tard Clough. Alors, je lui ai demandé : - Où désires-tu jouer? Il m’a répondu - Up front (devant). Je lui ai dit - Done. » En un instant, Clough avait compris ce que l’instinct de Francis lui commandait: «Je l’ai vu plusieurs fois dans des circonstances difficiles. Il sait ce qu’il veut et il juge bien. » 

 

L’intention de Forest est de marquer le plus rapidement possible un but. Le but avoué de Dynamo Berlin est de protéger son capital si léger, si léger. La volonté de Francis est de montrer qu’on ne le prend pas impunément pour un farceur. Le scénario est fixé. À la 15e minute, au terme d’une nette période de domination anglaise, un long coup franc de Lloyd trouve la tête de Needham lequel dévie pour Francis, posté en franc tireur. La reprise ne pardonne pas.  Vingt minutes plus tard, après que Terletzki (26e) ait manqué le but de l’égalisation allemande, O’Neill sert Francis dans l’espace libre. Celui-ci récupère la balle, dos au but, pivote et, d’un tir très sec, l’expédie sous la barre rectangulaire. Cette balle frappe le sol et revient en jeu, plaçant l’arbitre français M. Delmer dans une position délicate. Mais son juge de touche, M. Humière, est formel : le ballon est bien retombé à l’intérieur de la cage, derrière la ligne, avant de ressortir. La télévision montrera que les deux hommes avaient raison. Cela fait 2-0 pour Forest. Cinq minutes avant la mi-temps, Robertson s’enfonce sur le côté gauche de la surface de réparation allemande, attaqué aussitôt et couché par Noack. Penalty, dit M. Delmer, tandis que le ralenti de la télévision montre, une nouvelle fois, qu’il a raison. Robertson se fait justice lui-même, et cela fait 3-0 pour Forest. Qui disait que le champion était mort?  Le coup est dur pour Dynamo et pour son public. Mais, avec les Allemands, rien n’est jamais vraiment fini tant qu’il reste un souffle de vie. À la 50e minute, M. Delmer accorde un nouveau penalty, aux Allemands cette fois, pour une faute commise au même endroit que la précédente, avec les deux mêmes joueurs en opposition, Robertson ayant descendu Noack, chacun son tour, moi aussi je sais le faire. Terletzki a ramené le score à 1-3 et si Riediger ne voyait pas son tir de la 69e minute repoussé par la barre transversale de Shilton, cela ferait 2-3, et plus que l’épaisseur d’un but pour jouer la qualification. Nottingham Forest tient solidement sa réhabilitation et son bonheur. «Fabuleux» titre L’Équipe. « Le miracle man est revenu aux affaires », écrit le Daily Mail, en évoquant Brian Clough. Celui-ci regarde Francis avec admiration et tendresse: «Je devrais lui secouer les puces plus souvent», dit-il.