Ajax, depuis quelques années, vit surtout de ses souvenirs. Le départ de Cruyff, l’éclatement de cette somptueuse équipe qui avait révolutionné l’Europe, ont fait rentrer dans le rang l’ancien club-roi. On ne joue pratiquement plus dans le grand stade olympique aux 60 000 places et l’on est revenu dans ses modestes installations. Depuis cinq ans, on pioche dans le trésor de guerre accumulé depuis les transferts des artistes - Cruyff, Neeskens, Haan, Rep notamment - afin de compenser le déficit de la gestion. Ajax est pourtant champion de Hollande en titre, mais le cœur n’y est plus et la nostalgie fait des ravages. « Certains spectateurs venaient au stade, uniquement pour voir jouer Johan Cruyff, estime un dirigeant. Le jour où il est parti, le club a perdu en même temps son âme et son coffre-fort. » En cette saison européenne 1979-80, Ajax est en train de renaître. Oh, ce n’est pas encore l’invincible armada mais c’est la digne descendante d’une aïeule exceptionnelle. Le nouvel entraîneur Léo Beenhakker - le septième en sept ans a fait faire à ses joueurs un retour aux sources, avec ce pressing à la hollandaise qui noyait et noie encore les initiatives des adversaires.
Ajax 1980 pratique un football moderne, avec un milieu de terrain très complet et très complémentaire (Schoenaker-Arnesen- Lerby), deux ailiers de débordement (dont le petit diable Tahamata) et un inspirateur de classe mondiale, Sa Majesté Krol en personne. On remarque l’intelligence tactique de tous les joueurs qui ne paniquent pas, cherchent à garder le ballon et à progresser ensemble. Car Ajax n’est pas une équipe de contre. C’est une formation capable d’imposer son jeu et de prendre le match en main sans se découvrir. Un embryon de monstre à sang-froid. En seizièmes de finale, Ajax a dévoré les Finlandais de J. K. Helsinki, leur infligeant deux scores de 8 à 1 sans ralentir un seul instant
le rythme de la turbine. Et en huitièmes de finale-aller, il a recommencé en infligeant aux Chypriotes d’Omonia Nicosie un 10-0 qui laisse toujours des traces par où il passe. Huit plus huit plus dix, cela fait vingt-six buts en trois matches et un record historique, certes favorisé par le tirage au sort mais garant d’une efficacité certaine. Dans ce festival offensif, sept joueurs d’Ajax se sont réparti les munitions : 8 buts pour Lerby (dont cinq en un match contre Nicosie), 7 pour Blanker (dont quatre à Helsinki et trois contre Nicosie), 4 pour Krol (dont trois penalties), 3 pour Arne- sen, 2 pour Tahamata, 1 pour La Ling et 1 pour Everse. Lerby, Soren de son prénom, est l’un des trois Danois d’Ajax avec Henning Jensen (ancien de M’Gladbach et du Real) et Frank Arnesen. Âgé de vingt-deux ans à peine, international espoir dans son pays, il est en principe, et en fait, milieu de terrain dans son équipe. Mais il a trois poumons et respecte la tradition de ces demis d’Ajax, modèle Neeskens, venant faire exploser devant la cage adverse le trop- plein de leur puissance physique.
Les Chypriotes d’Omonia Nicosie n’ont pas du tout aimé qu’on les prenne pour des paillassons. Ils en ont « causé » dans l’avion du retour et conclu un pacte : l’Ajaxien va en baver et pleurer des larmes de sang. Le 7 novembre 1979, en effet, la réception a été bien préparée. Quinze mille spectateurs déchaînés soutiennent à fond une équipe terri¬ blement motivée tandis que les joueurs d’Ajax privés de Krol, Arnesen et Tahamata, et forts de leurs dix buts d’avance, ne sont psychologiquement pas prêts à faire la guerre. Trois jours
plus tard, ils doivent affronter P.S.V. Eindhoven en championnat, et c’est pour eux bien plus important.
Les Ajaxiens se font exécuter : deux buts par mi-temps, dont deux de Kaïafas, l’ex-Sou- lier d’or européen, et 4-0 à l’arrivée. Les dirigeants du club hollandais sont furieux : « C’est une honte. Vous avez joué comme des cochons, disent-ils à leurs joueurs. Vous avez eu un comportement indigne de vrais profes¬ sionnels. » Dans l’histoire du club, ce voyage restera comme «le scandale de Nicosie», un beau titre de roman de gare.
MATCH ALLER
9 avril 1980
City Ground
resume
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Nottinghan Forest: Shilton - Anderson , Burns , Lloyd , Gray , McGoven , Bowles , O´neill , Francis , Birtles y Roberton.
Ajax Amsterdam. Schjivers - Wijnberg , Zwaborn , Boeve , Lerby , Arnesen , Shoemakeer , La Ling (Ponsink 51m), Jensen , Tahamata.
Ajax a déjà marqué trente buts dans cette Coupe d’Europe 79-80 quand survient le tirage au sort des demi-finales et que celui-ci lui attribue Nottingham Forest, l’autre choc devant opposer le Real Madrid à Hambourg. La performance ne laisse pas Clough insensible. Elle l’impressionne, en tout cas, beaucoup plus que le 3-6 concédé à domicile, par Ajax, devant Maastricht. «Ce résultat est aussi stupide que notre 0-1 devant Bolton. Il ne faut pas y attacher d’importance», dit le manager de Forest.
Pour le match-aller qui a lieu au City Ground, le 9 avril 1980, les deux équipes sont dans leur formation-type, Forest faisant jouer Bowles plutôt que Bowyer au milieu du terrain. Ajax, comme à Strasbourg, n’est pas décidé à prendre de risques. Ses joueurs pratiquent d’entrée un marquage individuel féroce. Ils pratiquent aussi, accessoirement, un anti-jeu constant fait d’obstructions, de bousculades, de petites fautes répétées qui ne vont jamais jusqu’à la brutalité.
Forest n’est pas dans un très bonjour et a la malchance, une fois de plus, de jouer sur un terrain dépecé où les crampons taillent encore des escalopes larges comme la main. Malgré cela, l’équipe championne imprime sa marque collective sur le match. L’absence de Woodcock, parti à Cologne, n’a pas modifié l’une des caractéristiques essentielles du jeu de Forest: son art d’occuper le côté gauche offensif du terrain, plus précisément le huitième d’hectare, près de la surface de réparation adverse, et d’y faire naître systématiquement percées, corners et coups francs. Quand Birtles, Francis et Robertson s’y retrouvent, c’est toujours pour la création et l’exploitation d’une action dangereuse.
À la 33e minute, Robertson tire le huitième- corner de Forest. Son ballon, travaillé par un diabolique pied droit, est dévié maladroitement par Lerby devant la cage de Schrijvers où Francis jaillit aussi vite qu’une feuille de contributions et fait trembler les filets ajaxiens.
Trevor Francis rayonne depuis quelques temps. Chacun de ses gestes illumine les matches de Forest, enflamme l’équipe d’Angle¬ terre, subjugue les publics d’Europe. Trevor est devenu, dans la suite de Keegan, le numéro un de la corporation. En deuxième mi-temps, tandis que Forest peine devant cet Ajax camouflé derrière ses gants, il s’élance pour récupérer un ballon qui va sortir en ligne de but, dix mètres à gauche de la cage de Schrijvers. Celui-ci a senti le danger et va à la rencontre de Francis pour tenter de s’opposer au centre, en ciseau retourné, du joueur anglais. La balle est si imprévue, va si vite, que le stoppeur Zwanborn rate son contrôle, touche de la main et provoque un penalty que Robertson, impavide, transforme en 2-0.
MATCH RETOUR
23 avril 1980
Olympisch Stadion
C1.1979.1980.Ajx.Nott.Demie;Ret.230480.Eng.twb22_1.mp4
1.8 Go
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C1.1979.1980.Ajx.Nott.Demie;Ret.230480.Eng.twb22_2.mp4
1.5 Go
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Brian Clough est d’une confiance discrète : « Si nous pensions que notre tâche est remplie, nous commettrions une erreur majeure. Nous ne sommes pas à l’abri d’une désillusion.»
Léo Beenhaker, l’entraîneur d’Ajax, ne se prononce pas: «Nous avons subi une défaite collective à Nottingham. Nous traversons actuellement une mauvaise période mais cette défaite est, avant tout, le fruit d’un manque de concentration. Notre seul problème relève du mental. »
À ce moment-là, Forest est invaincu à l’extérieur en Coupe d’Europe (4 victoires, 3 nuis) et Ajax n’a pas perdu sur son terrain, toujours en Coupe d’Europe, depuis 1969. La logique voudrait qu’on s’orientât vers un match nul. Forest n’aurait rien contre. Robertson s’est aligné sur ses demis mais Forest, au lieu de bâtir une défense à plusieurs chicanes, a choisi de jouer la ligne et le hors-jeu, plongeant dans l’embarras des Hollandais qui n’attendaient pas ce coup-là. Le piège s’évente au fil des minutes et Ajax monopolise le ballon, accumule les corners (neuf en première mi-temps) mais n’empêche pas Forest de garder des fers au feu (Birtles, 42e).
Au quatorzième corner, pourtant, Forest est obliger de lâcher du lest. Arnesen a tiré au second poteau, pour la tête de Lerby, et la doublette Burns-Lloyd n’y a vu que du feu (66e). Le match monte évidemment de plusieurs crans, Shilton se battant comme un fou pour ne pas encaisser le deuxième but synonyme de prolongation, voire d’élimination.
Ajax ne marque pas à nouveau, est éliminé. Cela ne surprend pas Rudi Krol : «Vous restez tous sur le souvenir du grand Ajax. Celui-ci n’existe plus, n’existera plus jamais. Notre équipe est une bonne équipe, sans plus.» Quelques jours après, on apprend que Krol a signé pour les Vancouver Whitecaps, en North American Soccer League. Brian Clough en est désolé: «Nous qui aurions tant aimé l’avoir avec nous... »
Encore un bon match, merci Wildbunch! Si t'as le Nottingham-Liverpool de 1978 en coupe d'Europe,n'hésite pas à le mettre!
ReplyDeleteNottingham-Liverpool malheureusement me suis deja renseigné les deux aller retour n'avaient pas été televisés et il n'y a aucune bande existante....
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