Saturday, May 8, 2021

Coupe des Clubs Champions 1974 1975 Saint-Étienne Hajduk Split

 

8ème de finale Retour
6 novembre 1974
Stade Geoffroy-Guichard
26 381 spectateurs

16 minutes only Qual +++++
Match aller : le 23 oct. 1974, score : 4 - 1
C1.1975.1976.StEt.Hajd.Resume.twb22.mp4
382.8 Mo
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Dans l’histoire de la Coupe d’Europe, plusieurs clubs ont réalisés des renversements de situations assez exceptionnels mais comme celui que se propose de réaliser Saint-Etienne, il y en a vraiment eu très peu. On songe à Partizan Belgrade en 1966 (battu 1-4 à Prague, vainqueur 5-0 au retour), à Panathinaïkos en 1971 (battu 1-4 à Belgrade, vainqueur 3-0 au retour) et on n’ose croire à l’écrasement des Yougoslaves, représentants d’un football qui a ses lettres de noblesse et des trésors d’énergie. Herbin lui-même est bien incapable de préciser comment son équipe va s’y prendre, et son programme d’action tient en quelques banales formules. « Nous devrons attaquer et, bien entendu, éviter de nous découvrir. Il nous faudra faire preuve de beaucoup d’activité, d’opportunisme et aussi de rigueur et de concentration. Bref, il nous faudra utiliser au maximum tous nos arguments. » Que dire d’autre avant un match toujours à nul autre pareil ? 


Ce qui est certain, c’est que Saint- Etienne est prêt, moralement et physiquement. On sent, à mille choses diverses et ténues, la montée d’un grand événement au stade Geoffroy-Guichard. Les fidèles sont là, tout de vert vêtus. La ville et la région sont en ébullition. On ne vend pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué mais on a pris sa dimension. Une heure avant le coup d’envoi, ruse de guerre ou coup dur de dernière heure, on annonce le forfait de Merchadier, remplacé par Janvion. Le joueur Martiniquais, rejeté dans l’ombre depuis sa belle finale de Coupe 1974, se voit confier la tâche redoutable de surveiller Surjak, le bourreau de Split. Il va s’en tirer à merveille, suivant son adversaire pas à pas aux quatre coins du terrain, taclant sans pitié, bondissant et jaillissant sous son nez, et ne commettant qu’une faute grave (placage de rugbyman à la 40e minute et avertissement). Dès le coup d’envoi, les Stéphanois ont bondi comme des fauves et arraché aussitôt le ballon aux Yougoslaves. Leur début de match est féroce et pendant vingt-cinq minutes, les joueurs d’Hajduk ont du mal à faire front : ils multiplient les manœuvres de retardement (passes longues au gardien, dégagements volontaires en touche, refus systématique de prendre des risques offensifs) ; ils commettent des fautes et des obstructions que l’arbitre écossais M. Patterson, dans une philosophie toute britannique, ne sanctionne que parcimonieusement. Deux fois, Hervé Revelli puis Piazza (au terme d’une fantastique chevauchée en dribbles) ont le but au bout du pied. Mais deux fois, le gardien Meskovic déploie ses tentacules et écarte le danger. Enfin, à la 36e minute, un coup franc tiré de la gauche, relayé par les têtes de Bereta et Hervé Revelli permet à Larqué de déclencher une reprise de volée rageuse et victorieuse. On ne reconnaît pas Jean-Michel et sa musique sacrée. Lui le puriste, lui l’artiste se bat comme un démon, à l’image de toute son équipe. 
1- 0 à la mi-temps, ce n’est pas le Pérou ; et ça l’est d’autant moins que l’inconnu Jovanic, arme de dernière heure utilisée par les Yougoslaves, foudroie Curkovic de dix mètres à la suite d’un centre aérien venu de la droite. Joueurs et spectateurs stéphanois sont pétrifiés ! Mais pas pour longtemps car une minute après le but de Jovanic, un corner amène le ballon dans la surface d’Hajduk : Bathenay se détend alors au- dessus de Surjak et trompe Meskovic gêné par l’un de ses coéquipiers qui, placé sur la ligne même, n’a pas sauté pour écarter le danger. 2- 1, c’est une promesse de victoire, mais la qualification est encore loin. Pendant dix minutes, on n’y croit plus. 


Et puis voilà que Synaeghel s’engage balle au pied dans la défense yougoslave. Frêle comme le roseau, vif comme le chat, il a la réputation de tomber au moindre souffle d’air dans les surfaces de réparation. Encore deux foulées et Synaeghel, au contact d’un adversaire, s’effondre derrière la fatidique ligne blanche. M. Patterson, si indulgent durant la première heure, désigne le point de penalty. Bereta tire du pied gauche, en force, sous la barre, « parce qu’un gardien ne reste jamais au milieu». 3-1 pour Saint-Etienne et 19 minutes à jouer. Le public est déchaîné. « Allez, les Verts ! Allez, les Verts ! » chante-t-il sur le refrain de Si j’avais un marteau... 
Robert Herbin, dans la fosse des remplaçants, a perdu son teint rose. Il va prendre la décision la plus historique de sa courte carrière d’entraîneur : faire rentrer Triantafilos et faire glisser Bathenay à la place de Repellini fatigué. Celui que l’on surnomme affectueusement « Tintin » à Saint-Etienne joue là une rude partie. Evincé de l’équipe depuis près de deux mois, critiqué, discuté, il pourrait avoir perdu la foi. Mais chez lui, l’écorce est rude. Et sa personnalité inaltérable. 


Sous les couleurs d’Olympiakos du Pirée, où il a joué durant trois ans, Triantafilos a participé à 44 matches amicaux internationaux contre les plus grandes équipes européennes, et à 6 matches de Coupe d’Europe. Il a marqué un but au grand Gordon Banks et gardé de tous ces contacts une confiance inébranlable en ses moyens. Mais pour qu’il s’exprime totalement, il lui faut la foule, l’ambiance, la poudre et la guerre. Contre Hadjuk, il est servi le « Tintin » Stéphanois. Il entre dans un véritable chaudron, tellement bouillonnant lui-même qu’il en a dépassé le stade de l’énervement, dira-t-il plus tard. Il commence à secouer vigoureusement ces Yougoslaves qui résistent encore désespérément, accrochés à leur but d’avance. A la 82e minute, Patrick Revelli développe un dribble sur la droite avant d’effectuer une passe à ras de terre pour son frère Hervé qui se tient en pointe au côté de Triantafilos. C’est alors le coup de génie. Hervé laisse filer le ballon entre ses jambes à destination de « Tintin » placé en embuscade dans la surface, à douze mètres du but d’Hajduk. Un tir violent du pied droit et le ballon se fiche comme un trait dans la cage de Meskovic. 4-1, est-ce possible ? Ce déchaînement, cette fureur, cette efficacité, tout cela peut-il aussi être français ? Huit minutes à jouer encore et surtout ne pas encaisser un second but yougoslave qui détruirait tout espoir. Il faut à la fois tenir et tenter de marquer une nouvelle fois pour se qualifier. Les têtes tournent, les images se bousculent, les cœurs battent la chamade et on ne peut en croire ses yeux. Un brouillard de bonheur envahit les esprits stéphanois au point qu’avec ce 4-1, Christian Lopez croit à la qualification. Il se met à garder le ballon, à gagner du temps avant que Curkovic ne lui remette les idées en place. Jamais le caractère « inhumain, effrayant » de la Coupe d’Europe n’a été aussi évident. Les champions de France sont épuisés. Bereta et Larqué se tiennent les cuissés ; Janvion que son duel avec Surjak a détruit, s’écroule raide comme un bâton, tétanisé par les crampes. Ce n’est plus l’équipe stéphanoise, c’est l’armée napoléonienne au retour de la bataille. Pendant l’intervalle qui précédé la prolongation puisqu’il faut jouer la prolongation, les joueurs stéphanois sont l’objet de toutes les solicitudes. On les masse, on les panse, on les réconforte. Ils vont bientôt montrer qu’ils ne sont pas encore allés au bout de leur courage. 



Le combat reprend, Santini remplaçant rapidement Janvion. Tout devient maintenant insupportable. Les nerfs sont tendus à craquer. Les Yougoslaves jettent à leur tour toutes les for¬ ces qu’il leur reste dans la balance. Buljan le défenseur s’en va en un raid désespéré vers le but stéphanois, est rejoint et contré par Triantafilos. Des coups partent de tous côtés, dans la tension exacerbée. M. Patterson fait la part du feu. A la 104e minute, Hervé Revelli est jeté à terre sans pitié et obtient un coup franc à vingt mètres du but d’Hajduk. Mur, palabres, ballon qu’on pose et qu’on repose cinq ou six fois, public qui piétine et se tait. Personne n’a la force, côté stéphanois, de prendre la responsa¬ bilité du tir. Personne, sauf Triantafilos. Venu en catimini au côté de Bereta, il lui répète, dissimulant sa grosse voix de basse : « Donne-moi ça Bérette, donne- moi ça.. ! » Et lorsque Bereta, d’une petite pichenette, le lance sur orbite, c’est le tonnerre qui éclate. « Dieu était stéphanois, dira tout à l’heure Triantafilos. Je me demande encore comment le ballon a pu traverser le mur. » Un incendie joyeux ravage les tribunes et éclaire soudain l’horizon. 
Il faut encore tenir seize minutes, seize minutes qui n’en finissent pas. Les Stéphanois tombent comme des quilles, ivres de fatigue. Mais ils s’accrochent à leur bonheur comme à une bouée de sauvetage. Quand M. Patterson siffle la fin, il est vingt-trois heures « au clocher du village ». Une formidable clameur monte et s’envole par-dessus les toits. Saint-Etienne est en quart de finale de la Coupe d’Europe. 


Herbin, que l’on félicite, rétorque en montrant ses joueurs du doigt : « Ce sont eux qu’il faut féliciter. Ce qu’ils ont fait est extraordinaire. Et dorénavant, nous devrons tous les respecter. » 
Le prodigieux exploit, en exigeant tant de forces, a effrayé un peu certains observateurs. On peut lire dans France- Football : « C’est vrai que la qualification stéphanoise fut prodigieuse. C’est vrai qu’elle constitue la plus belle page de notre football depuis l’équipe de France et Reims des années 50. Mais c’est vrai également que le match atteignit, à certains moments, par son acharnement impitoyable, par sa fureur, par ses trucages mêmes et par ses souffrances, la limite du supportable. La faute, bien sûr, n’en incombe pas aux Stéphanois ni aux Yougoslaves, mais aux conditions mêmes d’une épreuve admirable et terrifiante. On peut même avancer, sans risque, que les Stéphanois n’auraient pas réalisé leur phénoménal exploit s’ils n’avaient pas tout fait pour vaincre. Il faut donc les en féliciter, mais en même temps se demander si une compétition qui exige tant de ses acteurs ne dépasse pas le but qu’elle s’est assigné. » 
Les Yougoslaves, eux, n’en reviennent pas de tant de douleur. « C’est le Grec qui nous a assassiné. » Le Grec, c’est Triantafilos : Tintin et ses ballons d’or, pour vous servir. 

Saint-Etienne reste, à l’automne, le seul club français qualifié en Coupes européennes. Le FC Nantes a failli réaliser un autre exploit sur le terrain d’Ostrava, ne succombant que les armes à la main, en prolongation et après 116 minutes de jeu (0-2 après le 1-0 de l’aller). Quant à l’Olympique Lyonnais, il a reçu à Gerland une formidable leçon d’un professeur venu d’Allemagne : la merveilleuse équipe de Moenchenglad







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