Zizou est hors de son temps. C'est un authentique meneur de jeu à l'ancienne, comme il n'en existe presque plus. Presque tous les entraîneurs actuels privilégient une organisation collective rigoureuse sans véritable créateur, ce qui appauvrit le spectacle. Les vrais amoureux du football sont forcément contents du succès de Zidane car, par son inspiration créatrice, il peut encourager des jeunes à redonner vie à ce poste jti tombé en désuétude." C'est ainsi que S Michel Platini, dans les colonnes de la M Gazetta dello Sport, au début de l'an- B née 2000, révère son successeur en B équipe de France et à la Juventus B de Turin. Platini - Zidane, Zidane - F Platini... Tous les comparatifs ont été tentés, tous se sont révélé vains. Un joueur de football, fut-il un génie, reste tributaire de son équipe et de son époque. Tout juste peut-on avancer quelques similitudes. Au sommet de leur art, les deux stratèges ont su éviter les équipes en toc. Pour une époque épique. Le Marseillais a toujours estimé la comparaison au maître extrêmement flatteuse. Il n'empêche, Zidane, artiste de son temps, s'est offert le luxe d'un long bail au panthéon des plus prestigieux ambassadeurs du football français.
Epouse modèle, la discrète Véronique veille à l'épanouissement de son champion de mari et de leur petit Enzo qui doit son prénom à l'admiration du père pour l'ancien créateur uruguayen de l'OM, Enzo Francescoli. Zinedine a fait la connaissance de Véronique, la gracieuse danseuse brune, à Cannes. À l'époque, l'enfant de la Castellane ne sait rien de sa destinée. S'imposer chez les pros, c'est son obsession, le vœu d'une famille soudée, le secret espoir de Jean Varraud aussi. Le recruteur de l'AS Cannes devient le complice du jeune surdoué. Un matin, alors qu'il lui rend visite au stade de Septèmes, Varraud est accueilli par Zinedine, balai à la main. Zidane a été puni par ses dirigeants après avoir donné la réplique à un adversaire hargneux. Gentil n'a qu'un œil et Zidane en a déjà deux. "Yazid" apprend à se faire respecter dès son plus jeune âge quand il supplie Farid et Nordine, ses grands frères, de l'emmener jouer avec eux. Discret, timide ou respectueux, c'est selon, Zidane n'est pas un voyou, loin de là. Le jour où Varraud le supervise, Zidane joue ailier gauche avec la sélection. Quand, un peu plus tard, Gilles Rampillon, alors patron de la formation à Cannes, vient évaluer le prodige en herbe, l'entraîneur de Septèmes, confronté à de nombreuses absences, lui annonce, désolé, qu'il est obligé de placer Zidane libero. Mais qu'importe, le génie n'a pas de limites. Zidane quitte donc Septèmes et le cocon familial pour le centre de formation du club de la Croisette. Papa et Maman ont préféré que leur fils échappe aux rudesses de l'internat. La famille Elineau couve le petit. Qui deviendra grand, en un rien de temps. À Cannes, les formateurs estiment que c'est en jouant qu'on apprend. Jean Fernandez a noté le nom de ce jeune qui flambe déjà dans l'antichambre du groupe pro. Le 20 mai 1989, Zidane, qui n'a pas encore dix-sept ans, effectue ses premiers pas en Première Division sur la pelouse de la Beaujoire, face au Nantes de Marcel Desailly et Didier Deschamps. Technique parfaite, il sait déjà tout faire avec un ballon. Et même un peu plus. De prises de balle délicieuses en dribbles audacieux, il détonecar il ne fait rien comme tout le monde. Sa semelle accouche d'une déroutante roulette, l'extérieur de sa cuisse maîtrise une passe incertaine : Zidane se permet d'efficaces pirouettes loin du but adverse dans une position de milieu relayeur.
Sa carrière démarre vraiment avec la saison 1990-91. Le Marseillais dispute 28 rencontres. Le 8 février, Nantes rend visite aux Cannois à La Bocca. Premier but chez les pros, première voiture à la clé pour Zidane. Alain Pedretti, le président de l'ASC, a tenu sa promesse. Son jeune joueur carburera désormais au super au volant d'une Renault Clio rouge. Rouage essentiel de l'entrejeu cannois, la star en devenir confirme la saison suivante. Ses cinq buts n'empêchent pourtant pas le club azuréen de sombrer en D2. Après six années dans les Alpes-Maritimes, il est temps de partir pour Zinedine, rebaptisé Zizou par son coéquipier Jean- François Daniel. Zinedine, Yazid ou Zizou... Son talent n'a pas échappé à Bernard Tapie. Mais les dirigeants de l'OM tardent à rapatrier celui qui a débuté à l'US Saint-Henri, près de la Castellane. Un Marseillais, qui dirige Bordeaux, les prend de court. Renseigné par son amical réseau, Rolland Courbis entre dans la partie : aux Girondins de Bordeaux la bonne pioche ! Zidane a vingt ans. Il découvre l'univers du Haillan et un certain Christophe Dugarry. Jusqu'ici, rien ne lie les destins des deux hommes, hormis une rivalité pour la gestion du jeu dans les sélections de jeunes. Zinedine et Christophe se côtoient, s'apprécient et se lient de connivences. Une solide camaraderie naît, dans la joie comme dans l'adversité. Au printemps 1996, les Girondins font face à un incroyable défi. Ils ont obtenu leur billet pour l'UEFA via la Coupe Intertoto. Après avoir éliminé Karlsruhe, Skopje, Volvodograd et Séville, d'un lob de quarante mètres de Zidane en Andalousie, les Bordelais affrontent le ténor milanais. Inhibés, ils cèdent à San Siro face au Milan AC (2-0). Mais la bande à Gernot Rohr est enterrée trop tôt. Survoltés, Zidane et Dugarry frappent un grand coup au match retour. Bordeaux ouvre rapidement le score. Dugarry remet les pendules à l'heure avant de faire chavirer Lescure. La passe décisive ? Zizou bien-sûr ! En finale, Bordeaux tombe sur un Bayern sans faille. La fameuse épopée girondine se finit en eau de boudin. Dans la presse, Alain Afflelou a des mots maladroits au sujet du trio Dugarry- Lizarazu- Zidane. Le club aquitain perd ses trois joyaux. Dugarry prend la direction de Milan, Lizarazu celle de Bilbao. La Juventus de Turin fait les yeux doux à Zidane qui ne peut résister. Si ses débuts dans le Piémont sont hésitants, Zizou conserve la confiance de Marcelo Lippi.
Victime d'un accident de voiture juste avant l'Euro 1996, Zidane débute à Turin fourbu et cabossé. Deschamps est un guide précieux et Michel Platini, toujours très écouté en haut lieu, rassure personnellement la famille Agnelli qui s'impatiente. "La première saison a été difficile, notamment les trois premiers mois, se souvient Zizou. J'ai dû à m'adapter à la vie italienne et à un nouveau système de jeu. Vivre à l'étranger, ce n'est pas évident." Le Français débloque son palmarès, la Juve s'adjugeant le Scudetto en 1997 et 1998. L'Europe, elle, semble le maudire. À deux reprises, la Ligue des Champions échappe sur le fil aux Turinois, battus en finale par Dortmund et le Real Madrid. Plus robuste, plus musclé, Zidane pèse de tout son poids sur le dispositif mis au point par Lippi. S'il a laissé le numéro 10 à Del Piero pour endosser le 21, personne ne s'y trompe : le dépositaire du jeu, c'est bien lui. Inzaghi et Del Piero se délectent des caviars du Français. Mais à Turin plus qu'ailleurs, briller ne suffit pas. Il faut gagner et la Juve de Zidane, malgré ses saisons pleines, a le tort de laisser filer le Scudetto deux fois lors de la dernière journée. Le meneur de jeu français, qui a goûté aux joies de la victoire en sélection nationale, aimerait étoffer son palmarès Serré de près par les défenses adverses, il reste tributaire du rendement d'une équipe qui se cherche. Et puis il y a la vie à Turin, sans doute moins agréable qu'ailleurs. Pour décompresser, le couple déjeune souvent chez Angelino. Roberto, le patron du restaurant, a ouvert sa cuisine à la star qui s'y sent comme chez lui. On dit pourtant que le Ballon d'Or 1998 se morfond sous la grisaille ambiante. Son sourire ravageur a conquis le cœur Sa femme, qu'on prétend très influente, l'inciterait à rallier l'Espagne où vit des Français... et des Françaises !
une partie de sa famille. Zidane, professionnel exemplaire, refuse d'étaler ses états d'âme. Le 24 octobre 2000, la Juventus reçoit Hambourg en Ligue des Champions. Jochen Kientz, éminent représentant du gotha des brutes épaisses, asticote l'artiste français qui répond à la provocation. Zidane est exclu et lourdement sanctionné par la commission de discipline de l'UEFA. Privée de son joyau, la Juve est éliminée sans gloire. Sa cinquième saison dans le Piémont est la dernière. Agnelli a pourtant promis de bâtir une équipe en béton mais Zidane éprouve le besoin d'un nouveau challenge. Après la Juve de Platini, c'est à l'assaut du Real de Kopa que Zidane s'élance, décrochant, au passage, le titre du joueur le plus onéreux de l'epoque (transfert évalué à 480 MF). "Pour un seul joueur, c'est vraiment énorme, estime sur son site internet celui, qui, au début des années 60, fut surnommé Napoléon. La démesure étant devenue monnaie courante dans les transferts actuels, le prix de Zidane peut apparaître normal compte tenu de son talent. Son arrivée à Madrid me fait très plaisir. J'aurais même aimé qu'il rejoigne le club plus tôt." Gourmand, Raymond Kopa a bien failli se languir une saison de plus avant d'assister aux premiers pas de Zidane sous le maillot castillan. La Vieille Dame piémontaise n'était guère pressée de céder g son magicien. Le Français qui ne quittera plus jamais le club Madrilene, y revenant comme entraineur avec un hat trick trois victoires de suite en Ligue des Champions...
octobre 1999
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