Monday, January 24, 2022

Hans-Jürgen Dörner 1922 - 2022

Dynamo Dresden 1967-1985 

Il allait fêter ses 71 ans dans moins d’une semaine. Dans la nuit de mardi à mercredi, Hans-Jürgen Dörner s’est éteint chez lui, en Saxe, des suites d’une longue maladie. Surnommé le Franz Beckenbauer de l’Est, « Dixie » laisse derrière lui l’image d’une légende dans son club de toujours : le Dynamo Dresde. Mais aussi une empreinte considérable dans le football allemand. Et pas seulement celui de l’ex-RDA.

le libéro du Dynamo Dresde, tout le monde s’en rappellera, et les hommages qui ont suivi l’annonce de sa mort en sont la preuve. Comme une évidence, c’est son club de toujours qui a partagé la triste nouvelle en premier, au matin du mercredi 19 janvier 2022, six jours avant de souffler sa 71e bougie : « Avec la mort de Dixie Dörner, nous ne perdons pas seulement le plus grand joueur de l'histoire du club, mais un homme qui a conquis notre cœur à tous. Pendant plus de cinq décennies, il s'est engagé de manière exceptionnelle pour les couleurs de notre ville et de notre équipe, sur le terrain comme en dehors. »


À peine majeur, il intègre l’équipe première des Jaune et Noir tout juste reléguée en D2 et c’est en qualité de joueur de l’antichambre qu’il signe sa première cape avec la RDA face au Chili, en entrant en jeu pour une petite demi-heure. On est alors en 1969. De l’autre côté du rideau de fer, le Summer of love bat son plein. À l’Est, c’est un Grand Hiver qui commence pour Dörner : après deux ans sans revoir la sélection, une jaunisse le prive du Mondial 1974, et son nom ne figure donc pas dans la liste des onze camarades ayant infligé un camouflet à leurs frères occidentaux le 22 juin au Volksparkstadion de Hambourg. « J’avais 23 ans et je me suis dit que ce n’était pas si grave, que j’aurais l’occasion de participer à une autre Coupe du monde » , philosophait-il après coup.


Pas de bol, on ne reverra plus jamais la RDA dans un tournoi international. Exception faite des Jeux olympiques de Montréal, dont il est du voyage cette fois-ci, qui plus est en pleine possession de ses moyens. Car au moment de débarquer au Canada, Dixie a remporté deux championnats et une Coupe de RDA avec son cher Dynamo. Qui plus est, il s’est imposé comme un joueur à part, un OVNI même. À son poste de libéro, il n’est pas du genre à envoyer des chiches pour dégager la balle, préférant relancer posément, avec un style chatoyant et une vista qui dénotent au sein d’un pays où prime le style rugueux et agressif. De surcroît, il brille par son apport offensif. Pour preuve : il facture 101 buts en 558 matchs disputés avec le club saxon à la fin de sa carrière en 1986. Pas mal pour un numéro 5 à l’ancienne, bien qu'il portait le 3 ! De quoi lui attribuer le surnom de Beckenbauer de l’Est, bien que la comparaison soit parfois remise en question, tant son exposition est restée inférieure à celle de son homologue de RFA.


Qu’à cela ne tienne, Dixie n’a jamais cherché à se faire un nom ailleurs que dans la patrie des ouvriers et des paysans. Pourtant, les occasions de faire défection n’ont pas manqué puisqu'en Coupes d’Europe, il a affronté notamment Hambourg (en C3), le Bayer Uerdingen (en C2) et le Bayern Munich (en C1). Trois duels inter-allemands et autant de défaites, dont certaines sont passées à la postérité. Mais n’allez pas lui coller une étiquette de loser magnifique ! Au contraire, à Montréal, il repart avec l’or olympique en battant l’URSS en demies et la Pologne en finale. Le tout en ayant inscrit quatre buts (dont trois sur penalty). De cette XXIe Olympiade, la RDA repart avec la deuxième place au tableau des médailles, derrière le grand frère soviétique et les footballeurs ont réussi à prouver au Parti qu’il avait tort de ne pas investir dans les sports collectifs au motif que le ratio athlètes/médailles potentielles était inférieur à celui des disciplines individuelles. Surtout, ce fut l’une des rares occasions où les citoyens allemands de l’Est furent sincèrement fiers de leur pays. Et pour Dixie Dörner, une raison supplémentaire de le servir jusqu’au bout (en plus d’éviter des ennuis à sa famille).


Lorsqu’il fait ses adieux à la scène internationale le 18 mai 1985 face au Luxembourg, il quitte l’équipe nationale en faisant partie du club très sélect des joueurs à avoir atteint les 100 capes. Seul Joachim Streich (102 sélections) a fait mieux. Un an plus tard, il a 35 ans et on lui fait comprendre que sa carrière de joueur est derrière lui. Au total, son armoire à trophées compte cinq championnats, cinq Coupes nationales et trois titres de joueurs de l’année, tous remportés avec le Dynamo Dresde. Parmi les cadeaux qui lui sont remis après son ultime coup de sifflet final, une poupée à son effigie reprenant sa légendaire permanente qui tranchait avec les timides coupes de cheveux mi-longs en vogue à l’époque. « La première fois que je l’ai arborée, c’était à la suite d’un pari avant un match face aux Pays-Bas à Iéna, en 1979. Il y avait cinq ou six bouteilles de champagne en jeu » , se souvient l’intéressé. De quoi renforcer un peu plus son image de joueur élégant, apprécié aux quatre coins de la République et tellement à part dans un pays fermé au reste du monde.


Justement : quand le monde s’ouvre à lui et à ses concitoyens à l’aube des années 1990, il est un entraîneur confirmé ayant déjà pris en charge les jeunes du Dynamo et l’équipe olympique est-allemande. Avec la fusion des deux fédérations, il hérite de la casquette de sélectionneur des U17 de l’Allemagne réunifiée. Et quand en 1996, le Werder Brême le sollicite pour reprendre un club mal en point après son titre remporté par Otto Rehhagel trois ans plus tôt, il n’hésite pas et fonce tête baissée. Son bilan de premier Ossi sur le banc d’un club de l’Ouest : avoir fait passer les Vert et Blanc de la quinzième à une honorable neuvième place. Not great, not terrible. « Je ne regrette rien, mais ce qui m’a le plus surpris, c’est de ne pas avoir reçu d’offres après coup » , rejoue l’ex-casque d’or qui rebondira finalement en Égypte, à Al-Ahly, où il enchaîne deux titres d’affilée avec l’une des meilleures équipes du continent. Étrangement, son contrat n’est pas renouvelé, mais comme Dixie a le mal du pays, il retourne en Allemagne sans rechigner. Un flop plus tard au VfB Leipzig (redevenu Lokomotive entre-temps), il se range des bagnoles et entre au conseil de surveillance du Dynamo Dresde où il est triomphalement élu. Après avoir été intronisé au Hall of Fame du football d’outre-Rhin en 2019, Dixie Dörner est entré à tout jamais dans l'histoire d’un pays qui doit traiter ses anciennes gloires sur un pied d’égalité. Peu importe le côté du Mur duquel ils ont brillé. 




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