Monday, July 24, 2023

Copa America 1989 Brasil Uruguay


Phase de Poules
16 Juillet 1989
Estádio do Maracanã Rio

 Dimanche 16 juillet 1989. Rio de Janeiro. Dix-huit heures cinquante minutes. L'arbitre chilien Hernan Silva donne le dernier coup de sifflet de la Copa America. Cent cinquante mille personnes entassées dans l'immense stade Maracana lâchent un cri de joie contenu depuis dix-neuf ans. Dix-neuf ans : le temps passé depuis la dernière victoire de la sélection brésilienne dans une compétition officielle. Dix-neuf ans : entre le fabuleux Mundial 70 au Mexique, celui des Pelé, Jairzinho, Tostao, Gerson, Rivelino ou Carlos Alberto, et cette victoire en Copa America, celle des Talfarel, Branco, Silas, Dunga, Bebeto et Romario. Dix-neuf ans : une éternité. Au cours de laquelle il y eut notamment les cruelles désillusions de 1982 (en Espagne) et de 1986 (au Mexique). Quand les sélections de Télé Santana, avec les Zico, Falcao et Socrates, gagnèrent l'estime du monde pour la qualité de leur jeu, mais soutinrent d'amères défaites (injuste contre l'Italie en 1982, et aux tirs au but contre la France en 1986) juste avant de toucher au but. Dix-neuf longues, très longues années pour qu'enfin, les meilleurs footballeurs du monde démontrent que spectacle et résultats, contrairement à ce qu'affirment les « réalistes », peuvent aller de paire.

Pour ces Brésiliens qui viennent ainsi d'entrer dans la légende, cette Copa America avait pourtant mal commencé. Dans une atmosphère désolante, les Brésiliens débutèrent l'épreuve par une victoire confortable mais laborieuse contre 1e faible Venezuela. Aux buts de Bebeto, Geovani sur penalty et Baltazar, les Vénézuéliens répondirent par Maldonado. Lequel réussissait en l'occurrence un double exploit: l'un technique (il dribbla trois défenseurs dans la surface avant de fusiller Taffarel), l'autre historique : le premier but du Venezuela dans toutes les confrontations avec le Brésil. La seconde rencontre des Brésiliens fut franchement tristounette : 0-0 contre le Pérou, qui avait pourtant encaissé, deux jours plus tôt, un sévère 5-2 contre le Paraguay et n'avait que le talent du « vétéran » Uribe à opposer. Face à la Colombie, décevante par sa prudence inattendue et au sein de laquelle seul le «gardien-libero» Higuita brillait, les Brésiliens piétinèrent encore : 0-0. Lors de la dernière journée, une victoire de la Colombie contre le Pérou les aurait placé en situation difficile. Heureusement pour eux, les joueurs de Maturana furent incapables de battre ceux du... Brésilien «Pepe». Le Brésil n'avait donc besoin que d'un match nul face au Paraguay, déjà qualifié, pour se retrouver aussi en phase finale. Trois éléments se conjuguèrent pour qu'ils obtiennent enfin une victoire spectaculaire: l'accueil délirant que leur réservèrent 80000 supporters à Recife, l'état satisfaisant de la pelouse et un Paraguay alignant une bonne partie de ses remplaçants. Le Brésil s'imposa 2-0 (deux buts de Bebeto) et livra quelques excellents moments de football.

Lazaroni pouvait pousser un grand soupir de soulagement. Depuis une semaine, il subissait les pires critiques pour avoir introduit dans le jeu brésilien un libéra (Mauro Galvao). On ne parlait que de son licenciement. On annonçait le retour de Carlos Alberto Silva, lui-même « viré » quelques mois plus tôt, au moment de l'accession de Ricardo Teixeira, gendre du président de la FIFA, Joao Havelange, à la tête de la CBF. On parlait aussi de Falcao au poste de sélectionneur. Avec cette qualification, Lazaroni gagnait le sursis. Et quelques jours de tranquillité avant le début des choses sérieuses au Maracana de Rio. Pendant ce temps, dans la poule B, celle de Goiania, le spectacle languissait. La présence de Maradona attirait beaucoup de monde à l'hôtel où séjournait la délégation argentine, mais peu au stade. Dans cette petite ville bourgeoise du centre du Brésil, à deux heures de la capitale Brasilia, on était plus lier d'accueillir une personnalité connue qu'un footballeur génial. Ce fut d'autant plus vrai quand on s'aperçut que Diego, lassé par le harcèlement des journalistes, préoccupé par son éventuel transfert à Marseille (qui rebondit de jour en jour) et fatigué par une interminable saison italienne, était totalement hors de forme.


Le premier match offrit aussi la première surprise, avec une victoire de l'Equateur (1-0) contre l'Uruguay. Les coéquipiers de Francescoli, malgré leur volonté de jouer un football
 plus offensif et (en conséquence) moins violent que par le passé, semblaient porter des semelles de plomb. On découvrait tous stade Serra Dourada de Goiania prenaient tait et cause pour le «petit» Equateur, au jeu technique, contre des Chiliens jusqu'alors antipathiques avec leur foolbal de camp retranché. Ces derniers ouvrirent la marque par Olmos sur un contre de Puebla juste avant la pause. Les Equatoriens se ruèrent alors à l'assaut du but détendu par Cornez, que le triste entraîneur chilien Aravena avec subsistué au titulaire Rojas, « coupable » d'avoir critiqué la tactique frileuse de son « coach » (vive la liberté d'expression !). Les Avilez, Cuvi, Tenorio, Aguinaga se créèrent au moins une demi-douzaine d'occasions nettes. En vain. A une minute de la fin, les Chiliens doublèrent la mise. Adieu, les illusions équatoriennes ? Non. Car dans les dix secondes qui suivirent, Anguinaga remontait tout le terrain et transmettait à Avilez qui, d'un tir en force, ramenait le score à 2-1. Les arrêts de jeu furent d'une incomparable cruauté pour les joueurs du Yougoslave Dusan Draskovic. Ils se créèrent encore trais opportunités de marquer. Quand l'arbitre Paraguayen Carlos Maciel siffla la fin du match, tout le monde ressentait de la peine pour ces sympathiques Equatoriens, victimes d'une inqualifiable malchance et de l'oubli fâcheux d'un penalty flagrant. Ils avaient perdu, mais ils avaient en même temps gagné l'estime de tous les observateurs. Ils quittaient Goiania la tète haute, sous les applaudissements du public. Et avec l'espoir, désormais, de réussir un exploit lors des éliminatoires de la Coupe du monde.

Dans leurs chambres d'hôtel, à Rio, devant la télévision, les Uruguayens, pendant ce temps, sautaient de joie. Il rejoignaient Paraguay, Brésil et Argentine en phase finale. Au Maracana de Rio, celle-ci commençait sur une pelouse impeccable et devant 100000 spectateurs par une nette victoire de l'Uruguay contre le Paraguay (3-0). Sosa était encore le grand homme du match : il offrait notamment les deux premiers buts à Francescoli et Alzamendi, ce dernier donnant le troisième à Ruben Paz.
Le Brésil offrait ensuite un récital technique lace à une Argentine toujours aussi désespéremment prudente, avec le seul Maradona en attaque (Caniggia n'entrant qu'en seconde mi-temps à la place de Calderon). Un but remarquable de Bebeto (reprise de volée), un autre de Romario et Maracana vivait sa première soirée de | bonheur. On retrouvait le Brésil-Samba. La seconde allait être tout aussi palpitante. I L'Argentine commençait par encaisser deux buts de l'inévitable Ruben Sosa. Le Brésil en réussissait ensuite trois contre le Paraguay! (deux de Bebeto, un de Romario), enchantant la foule pendant plus d'une heure. Après quoi Lazaroni fit entrer Alemao, pour donner un aspect plus défensif à son équipe, ce que personne ne comprenait : en réussissant un quatrième but, les Brésiliens n'auraient eu besoin que d'un nul face à l'Uruguay pour être | sacrés champions. Heureusement, après un triste Argentine-Paraguay qui permit aux hommes de Bilardo de terminer troisièmes au bénéfice d'une meilleure différence de buts, il y eut le une-deux Bebeto-Mazinho. El la reprise de la tête de Romario. «Brasil Campeao«. Il faul saluer cette équipe «historique« : Talfarel Mazinho, Aldair, Mauro Galvao, Ricardo, Branco Dunga, Silva, Valdo Bebeto, Romario. Historique, parce qu'elle a mis fin à dix-neuf ans d'attente et de désillusions. Si elle veut maintenant mériter ce même qualificatif pour la qualité de son jeu, il lui faudra se montrer plus constante et, surtout, plus délibérément offensive. Sur ce plan, l'équipe de Lazaroni n'a pas levé tous les doutes. Le talent des Bebeto et Romario a suffi pour s'imposer en Amsud. Pour remporter le «Mondiale» en Italie, et séduire comme le Brésil de 70 ou celui de 82 et 86, cette formation (enrichie par le talent de Careca dès les éliminatoires qui commencent fin juillet contre Venezuela et Chili) devra oser encore plus. Le Brésil n'a pas triomphé grâce à son libéro. Il a triomphé grâce à la technique et la créativité légendaire de ses joueurs. Lazaroni, aujourd'hui porté en triomphe, devra s'en souvenir s'il ne veut pas être demain jeté aux orties.


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