Quart de Finale Aller
5 mars 1996
San Siro
FR
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A Milan, les Bordelais avaient joué à reculons, sur la pointe des pieds, en donnant l’impression de s’excuser de venir piétiner les plates-bandes de ce grand d’Europe et en affichant la mine compassée de ceux qui font un complexe de leur condition. Les deux buts offerts là-bas à Eranio et à Baggio (sur coup franc) ressortent comme le service minimum garanti en vertu du droit d’allégeance d’un vassal à son seigneur. Tandis que les Milanais, repus de richesse et d’orgueil, considèrent leurs adversaires avec la distance de ceux qui ne doutent ni de leur supériorité ni de leur avantage, les Bordelais écoutent une fois de plus le discours simple et limpide de leur entraîneur, Gernot Rohr, qui ose encore parler d’exploit à condition de ne pas douter. Le remplaçant de Slavo Muslin évoque la magie de la Coupe d’Europe, la folie qui doit s’emparer de tous ceux qui ont la chance d’y être présents, sachant bien au fond de lui que, dans la même situation (2-0 à l’aller), on aura beau chercher dans toute l’histoire du Milan AC, on n’y trouvera pas trace de la moindre élimination. Et Zidane, l’homme du miracle, le héros des jours heureux, avouait avec pudeur qu’il faudrait que ses partenaires et lui-même fussent à 150 % de leur valeur pour espérer renverser la vapeur ! Le reste relève alors du miracle... Ou tout simplement d’un héroïsme et d'une volonté inimaginables.
Quart de Finale Retour
19 mars 1996
Parc Lescure Bordeaux
FR
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2.2 Go
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D’entrée, à Lescure, l’ensemble bordelais se met en place avec une énergie incroyable. Chacun se multiplie aux quatre coins du terrain en se jetant à tout instant sur le ballon avec l’appétit d’un affamé. Il n’est pas le moindre espace, le plus petit bout de pelouse qui ne voie un,voire plusieurs Bordelais, réaliser des prodiges pour contrarier la suffisance milanaise. Et ça fonctionne ! Les couloirs sont bien cadenassés, le milieu de terrain est passé au hachoir, et la défense italienne se voit contrainte de reculer sur ses bases. Le temps est alors à l’exploitation du génie. Il reste donc aux artistes (Witschge, Zidane, Dugarry) à mettre leur talent au service de la collectivité pour sortir de leur panoplie quelques tours de passe-passe afin d’enfouir en terre les espoirs milanais. Comme tout va à la perfection et que la mécanique bordelaise tourne avec la précision des technologies les plus subtiles, le doute s’empare des Italiens. On les voit ainsi redescendre de leur nuage affichant la tristesse infinie des anges déchus. Ils redeviennent des hommes, tout simplement, et ils n’acceptent qu’à contrecoeur de voir leurs adversaires mettre toujours plus de hargne, plus d’audace, plus d’énergie, plus de volonté, plus de talent, plus d’inspiration aussi dans chaque corps-à- corps.
Le premier but de Tholot (14e), au terme d’une action d’une rigueur diabolique, ravive les espérances. La foi aidant, tous les Bordelais se lancent dès lors dans une croisade merveilleuse soutenue par la ferveur d’un public dont l’enthousiasme ne connaît déjà plus de frontières. À mesure que le temps passe et que s’étiolent les unes après les autres toutes les certitudes milanaises, les Girondins de Bordeaux se glissent progressivement dans la peau des seigneurs. Ils s’avancent à grands pas sur la voie de la conquête, sans tourments ni obsessions, avec une conviction qui relève de l’irrationnel. Osera-t-on parler de miracle lorsque, par deux fois, Christophe Dugarry, superbe d’énergie et de précision, ajoutera deux buts en moins de dix minutes (64e et 70e) pour matérialiser la formidable révolte bordelaise ?
Il reste alors à durer, à entrer en résistance, à ne pas répondre aux provocations, et à ne pas succomber aux actes malveillants et gratuits de leurs adversaires, complètement déboussolés, au bord de la crise de nerfs. Il y a bien longtemps — voire jamais — que les hommes parés de la tunique rouge et noire du Milan AC n’ont pas subi un tel affront. Comme ils ont revêtu, en la circonstance, un maillot blanc rayé de deux bandes aux couleurs traditionnelles du club, ils ont semble-t-il perdu de leur prestance. Ce ne sont plus les rois de la fête. Ils subissent et, ce faisant, toute leur vigueur se désagrège sous les coups assenés par une équipe bordelaise arrivée au sommet de son art.
Le résultat étant acquis, il faudra que les Girondins le préservent jusqu’au bout avec l’énergie du désespoir. Et là, Gaétan Huard se révélera un sauveur inespéré. Lui qui ne fut pas toujours irréprochable au long d’une saison chaotique, lui dont on ira jusqu’à mettre en doute ses capacités et sa valeur, lui qui dut faire preuve d’une vigueur morale exceptionnelle pour se sortir de la déprime, deviendra sublime. Par deux fois, en effet, il s’opposera à deux tentatives à bout portant de George Weah. Voilà bien de quoi écœurer les plus intrépides. Le regard aiguisé, le réflexe prompt, le geste assuré et la main ferme, Huard ne tremble pas quand il faut barrer la route au canonnier du Milan AC. Le géant noir du Liberia, qui ne rate pas souvent la cible, ne comprend pas. Il se voyait déjà au paradis des héros du Milano, ceux qu’on célèbre et qu’on vénère là-bas à l’égal des vaillants légionnaires de César. Cette fois, pourtant, la conquête italienne a tourné court. Elle se solde par un échec cuisant. Huard, après les autres, y est allé de son action déterminante. C’est un signe. Bordeaux réalise l’impossible exploit ; il est en demi-finale de la Coupe de l’UEFA.
Superbe et inoubliable performance. C’est la première fois, en effet, depuis 1978, que le Milan AC, le grand Milan, encaisse trois buts en Coupe d’Europe sans en rendre un seul. Cela, il fallait le faire. Ce match-là restera à jamais comme un parangon de perfection en matière de performance sportive, et plus encore sur le plan dramaturgique que sur celui du suspens. Un faisceau de circonstances, la force et la renommée de l’adversaire, l’invraisemblable acharnement bordelais ajouté à l’imprévisible réalisation d’un exploit inqualifiable donnent à cet événement une dimension gigantesque. Sans doute le résultat le plus phénoménal jamais obtenu par une équipe française dans une compétition internationale. Je repense ici aux quelques prévisions, plutôt sympathiques, de la presse qui condescendaient à encourager les Bordelais à se faire plaisir avant de clore, la tête haute, une aventure somme toute réussie. Pour le reste, on n’envisageait donc que les prières... Tant il est vrai qu’une équipe du Milan AC, menant 2-0 à l’issue d’un premier affrontement à ce niveau d’une compétition européenne, n’aurait dû faire qu’une bouchée d’un vague 14e du championnat de France.
Merci Bordeaux » à tous ces Girondins qui nous ont offert tant de bonheur. Les premiers pour tous les services rendus à la nation au cours d’une merveilleuse campagne européenne, le second pour sa sportivité incomparable, son sens de la fête et ses élans de chœur. . . qui nous ont occasionné tant et tant de délicieux frissons. Ce cri du cœur, nous le dédions à tous ces anonymes accourus, qui des allées Tourny, qui de la rue Sainte-Catherine, qui de Lormont ou des coteaux du Médoc, bref à tous ces Bordelais qui ont su offrir à l’Europe rassemblée devant ses téléviseurs l’image d’une foule animée et bigarrée sans excès, passionnément chaleureuse, raisonnablement amoureuse. Une de ces foules juste à peine polissonne pour véhiculer avec tact cet esprit français que l’on nous envie ailleurs et que l’on a si souvent retrouvé cette saison dans le jeu des Girondins : un brin culotté avec ce qu 'il faut d’audace et d'application. Quand bien même l’issue n’aura pas été celle que nous avions souhaitée, nous aurons donc vécu depuis juillet l’épopée aussi folle qu’inattendue d’une équipe qui aura pris le goût de l’ambition au fur et à mesure qu 'elle enregistrait des succès. La Coupe Inter- toto ayant débouché sur la voie royale de l’UEFA, on aura cessé d'ironiser sur l’utilité de ce rendez-vous estival que dorénavant plus personne n’osera prendre par-dessus la jambe. L’exemple bordelais poivra à l’occasion servir de modèle et de référence. Grâce à son public et à la constance de ses performances, grâce aussi à l’authenticité d’un exploit historique réalisé contre le Milan AC, le football sorti des cuves de Bordeaux coulera longtemps dans nos veines comme le nectar le plus enivrant de ces dernières années. C’est sans doute pour cela et pour tout ce que cette aventure comportait d’inattendu que la fin du voyage contre le Bayern de Munich ne nous a pas laissé le goût amer de la tristesse. Nous n’avions pas le droit d’être tristes après avoir respiré de tels effluves, après nous être grisés de tant d’exploits, après avoir enregistré chacune des qualifications obtenues au mépris de la plus simple logique comme un bonus qui, tout en nous ravissant, nous aurait pourtant interdit de rêver. Merci, une fois de plus, à Bordeaux qui a eu l’infini délicatesse de nous tenir en haleine tout au long d’une compétition maîtrisée à la perfection, presque jusqu’à l’extrême limite... Et si le Bayern de Munich, au bout du compte, aura mis un point final à un feuilleton palpitant, personne au moins ne pourra insinuer que l’échec en finale ne se trouvait pas inscrit dans la logique des choses dictées par le football. Quand on a dépecé à Moscou la dépouille du Lokomotiv (5-0), quand on s’est offert à Lisbonne la peau du Benfica (5-1), quand on s’est permis de ridiculiser l’arrogance suspecte d'un Forest à Nottingham (5- 1), quand on a réussi à égorger le Barça à Barcelone (2-1), on a le droit de venir faire la loi à Bordeaux... Même s’il ne nous aurait pas déplu que des Girondins impertinents remettent le couvert pour nous resservir le même plat qu à Milan.
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