26 mars 1980
Parc des Princes
Parc des Princes
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Frnd.1980 Franc.Holl.twb22.mp4
FRANCE : Dropsy – Janvion, Specht, Trésor, Bossis – Christophe, Platini, Bathenay – Couriol, Pécout, Six. Entraîneur : Michel Hidalgo.
PAYS-BAS : Schrijvers – Wijnstekers, Balkestein, Krol, Hovenkamp – Schoenaker, Stevens, Thijssen – Rep, Kist, Vermeulen. Entraîneur : Jan Zwartkruis.
La perspective d’avoir à rencontrer la Hollande en poule éliminatoire de Coupe du Monde aurait pu inciter aussi les responsables du football français à repousser le match amical prévu entre les deux sélections, le 26 mars 1980, comme ils venaient de le faire pour le France-Belgique transformé en France-Grèce. «Était-il judicieux, en effet, d’offrir à la maison d’Orange l’occasion d’un repérage des lieux et le bénéfice d’une investigation par le menu des forces des Bleus? Répondre non revenait à déclarer une manière de complexe, à formuler, déjà, une sorte de soumission. Répondre oui, comme l’a fait Hidalgo, n’écarte pas tous les périls indiqués, mais paraît cependant relever d’un meilleur genre et d’une meilleure politique.
La France, dans cette affaire, a moins à perdre que les Pays-Bas, dont la réputation est mieux étayée. C’est elle qui devrait le plus s’enrichir d’une telle rencontre. C’est elle qui remplira le rôle de l’élève, plus commode que celui de donneur de leçons. Il ne lui serait fait nullement grief d’un court échec qui répondrait de la logique, et n’importe quelle autre issue signifierait un gain à tous points de vue. » L’autre question que l’on se pose, à l’orée de ce match de fort calibre, est de savoir pourquoi les France-Hollande sont devenus si rares, ces dernières décennies. Songez que le dernier remonte au 17 avril 1963, avec Moulijn et Herbin, et que Cruyff n’eut jamais l’occasion, en douze années de carrière orange, de venir nous rendre une petite visite de courtoisie, lui qui aime tant Paris. La raison en est simple : le football français, en quête de redressement, préférait soigner son indice de performance et restaurer la confiance de ses joueurs en fuyant les «monstres» traditionnels que sont l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie et la Hollande. On a les adversaires qu’on peut, et qu’on veut bien ! Le football hollandais, il est vrai, a de quoi faire trembler. Ses clubs, Feyenord et Ajax ont régné sur l’Europe (victoires en 1970, 71, 72, 73) ; sa sélection a éclairé le monde (finales de 1974 et 1978) ; ses joueurs ont essaimé la bonne parole et illustré le football total cher à Kovacs. Michel Hidalgo a estimé, et il a raison, que le temps était venu de relever la tête et d’assumer les responsabilités qui sont celles d’un football adulte et sain. «Contre la Hollande, l’équipe de France sait à quoi elle s’attaque, fait-il remarquer. Elle doit être à la fois ambitieuse et humble. Ce que j’attends d’elle, c’est qu’elle manifeste sa cohésion morale, son esprit de solidarité et qu’elle joue comme elle sait le faire. »
Le sélectionneur fait confiance à sa défense habituelle, tout en rappelant Trésor, et à sa nouvelle ligne de demis Bathenay-Christophe- Platini dont on a dit tant de bien lors du match contre la Grèce. En attaque, il innove doublement, d’abord en récupérant Six le mal-aimé, ensuite en titularisant le jeune Monégasque Couriol au poste d’ailier droit. Pour Trésor et Six, explique-t-il, je fais un pari sur la classe. Voilà deux footballeurs dont le talent n’est pas en cause et qui ont beaucoup apporté à l’équipe de France. Les problèmes qu’ils connaissent au sein de leur club n’impliquent pas forcément qu’ils soient inaptes à la sélection. Pour Couriol, je sais qu’il est en pleine euphorie à un moment où personne ne s’impose sous le numéro 7. » Zwartkruis lui, officier d’aviation transformé en sélectionneur (et qui ne s’en tire pas si mal), a retenu trois des Ajaxiens naufrageurs des Strasbourgeois en Coupe d’Europe (Schrijvers, Krol, Schoenaker) ; le Soulier d’or 1979, Kees Kist (AZ 67) ; et «notre» Johnny Rep, pourtant très critiqué à Saint-Étienne dans le moment qui passe.
D’emblée, dans un Parc des Princes plein comme un œuf, le match prend du volume et l’équipe de France de l’altitude, portant le jeu aux ailes, progressant de manière collective et rationnelle, se créant plusieurs occasions. Si l’arbitre italien, M. Casarin, prenait ses responsabilités en sifflant l’un ou l’autre des deux penalties, semble-t-il évidents, commis sur Six (6e minute, accroché par Wijnsteckers) et sur Janvion (11e minute, retenu par Schrijvers), la sanction d’une belle domination serait obtenue. Mais les penalties s’envolent et les Hol¬ landais, pectoraux dehors, entreprennent de doucher un peu ces insolents Français qui se prennent tous pour Napoléon. On ouvre les digues, et on balaie !
Ce match au rythme intense, joué dans des conditions difficiles - pluie incessante, terrain glissant et ballon lourd - devient, au fil des minutes, un va-et-vient permanent d’un camp à l’autre. Kist cause des soucis à la défense française : reprise de volée (20e minute), violent tir des dix-huit mètres (31e) détourné en corner par Dropsy. Alain Couriol, magnifique de culot, fait des diableries sur son aile mais personne n’est là pour reprendre une balle offerte (28e). Cette réussite de Couriol témoigne de la nouvelle et réconfortante vitalité du football français. Ce jeune homme de 21 ans, formé à l’I.N.F. Vichy, n’a débuté au niveau professionnel que le 6 octobre précédent. Une semaine avant France-Hollande, il a brillé d’un vif éclat avec les olympiques contre les Belges, et marqué deux buts. « Ça va vite, dit-il, mais je suis. Puisque j’ai choisi de faire du football, autant essayer d’aller, tout de suite, jusqu’au bout et le plus loin possible.»
Pendant près d’une heure, l’équipe de France, à l’image d’un Platini brillant et concentré, répond à la force adverse par sa finesse de touche de balle et son inspiration dans la création. Elle a adopté, comme contre la Grèce, un dispositif de jeu très offensif, Bathenay et Christophe déchargeant Platini des tâches ingrates de colmatage et de ratissage.
Mais les Hollandais, faisant rentrer les frères Van de Verkhof et mettant Willy sur Platini, redressent nettement la situation. Dropsy s’oppose avec un certain bonheur à Schoenaker (55e). Une minute plus tard, Christophe est à deux doigts de prendre son gardien à contre- pied. Puis, Six, Christophe, Bathenay, chacun d’eux victime de coups - «les Hollandais jouent ainsi », dira Hidalgo - laissent leur place à Rouyer, Tusseau, Rampillon. Dès l’entrée de «la Rouille», compère attitré de Platini, l’équipe de France se voit offrir une occasion apparemment immanquable que le malheureux Pécout manque cependant (72e). En l’occurrence, le massif gardien Schrijvers, que les méchants surnomment « la saucisse volante », est sorti comme une ballerine pour capter en voltige le ballon décoché des dix-huit mètres par le Nantais. Dotés d’une capacité de riposte élevée, les Hollandais, en fin de match, ne sont pas loin de mettre leur griffe sur cette rencontre passionnante. Une action René Van de Kerkhof-Rep (78e), une envolée de Rep (86e) enrayée de justesse par Trésor, signifient bien que les diables oranges ont toujours une fourche acérée dans la main. Les commentaires, à l’issue de ce 0-0, sont divisés. «Une moitié d’orange », titre Le Figaro dans sa rubrique sportive. «Seuls les buts ont fait défaut», réplique L’Équipe, en concluant: « Il ne sera pas facile pour les Bleus d’aller faire pousser des tulipes en Hollande, en Coupe du monde.» Michel Hidalgo semble être de cet avis : «On aurait mauvaise grâce à faire la fine bouche après un match de cette qualité, face à un adversaire aussi réputé. Il est seulement dommage qu’encore une fois, nous ayons manqué de réalisme au moment de la finition. » On pourrait dire, en somme, que les monstres sont toujours vivants.
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