Tuesday, March 2, 2021

Focus On : Johan Cruyff 50 Jaar

  Cheveux au vent et flanqué du numéro 14 dans le dos, il a fait rêver des millions d'enfants. Devenus grands, ces petits footballeurs en herbe gardent encore la nostalgie de ce «hollandais volant» génial qui a dominé les années soixante-dix. Flamboyant et rebelle, il a élevé le sport au rang d'art tant il était capable de gestes fous. Élégant et racé, doté d'une technique parfaite, il est devenu un mythe emblématique du beau football... nfant, Johan Cruyff habite juste en face du stade De Meer, l'enceinte de l'Ajax d'Amsterdam. Sa mère, qui fait des ménages pour le compte du club, l'inscrit dès son plus jeune âge dans les équipes déjeunes où, très vite, son talent le distingue. Il est déjà en avance sur tous ses coéquipiers et signe en 1963 son premier contrat professionnel. Le 15 novembre 1964, il fait ses grands débuts en équipe première. Il n'a que 17 ans, mais impressionne déjà ses adversaires en inscrivant un but. Son entraîneur, Rinus Michels, est sous le charme. Persuadé que son jeune attaquant va devenir l'un des meilleurs footballeurs du monde, il le couve et lui donne peu à peu des responsabilités dans l'équipe. Lors de la saison 1965-1966, Cruyff va devenir un élément clé du grand Ajax qui est en train de se construire. C'est l'année des premiers succès du club qui remporte un fantastique doublé Coupe-Championnat. Celui qui porte alors le numéro 9 marque 25 buts en 23 matchs. Une équipe et surtout un joueur hors norme sont en train de naître.

 Le groupe de Rinus Michels conserve son titre la saison suivante et entame ses premières grandes campagnes européennes. L'équipe est jeune et doit encore apprendre, mais l'Europe du football devient de plus en plus admirative devant ces fougueux Hollandais qui infligent un cinglant 5 à 1 à Liverpool, le 7 décembre 1966, lors d'un match devenu mythique pour les supporters de l'Ajax. Dans un brouillard à couper au couteau, Cruyff et ses hommes humilient les Anglais qui sont alors une des meilleures équipes du Vieux Continent. En 1969, le club batave va se qualifier pour la finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions, mais sera battu par le Milan AC. Ce ne sera que partie remise. En 1971, Cruyff pénètre sur la pelouse du stade de Wembley pour sa deuxième grande finale. Face à lui se dresse le Panathinaïkos, coa-ché par Puskàs. Les joueurs de l'Ajax sont épuisés par une longue saison où ils n'ont terminé que deuxièmes de leur championnat. Mais cet ultime match ne leur échappera pas. Ils le gagnent sur le score de 2 buts à o et Cruyff remporte son premier grand trophée sur la scène européenne. Il porte désormais le numéro 14 puisque le numéro 9 lui a été subtilisé par un autre joueur alors qu'il était blessé. Et c'est avec ce 14 dans le dos qu'il va inscrire les plus belles pages de sa légende. En 1971, Rinus Michels, l'inventeur du «football total», un schéma tactique dans lequel tous les joueurs attaquent et tous les joueurs défendent, quitte l'Ajax, rem-placé par Stefan Kovacs. Un temps, Johan Cruyff craint que ce changement de technicien ne saborde l'équipe, mais son inquiétude est de courte durée. Le joueur remporte son premier Ballon d'Or France Football et l'Ajax continue de battre tous ses adversaires et de dominer le football hollandais et européen. En 1972, en finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions, l'attaquant marque les deux buts de la victoire de son équipe. L'année suivante, c'est la JuventusTurin qui tombera face aux géniaux Bataves. En attaque, Cruyff et son compère Johnny Rep donnent le tournis aux Italiens qui ne peuvent rien faire contre les assauts des maillots blanc et rouge. Étrangement, alors qu'il est sans aucun doute le meilleur élément de sa formation, Cruyff n'est pas capitaine de l'Ajax.

Certains diront que c'est ce manque de reconnaissance qui va le pousser à quitter le club durant l'été 1973. Plus sûrement, l'envie de découvrir un autre championnat et surtout d'augmenter son salaire va décider Cruyff à signer au Barça. À ce moment de sa carrière, l'homme pouvait jouer dans n'importe quel grand club tant son aura était immense. En Italie, Milan lui faisait les yeux doux et en Espagne, le Real était sur les rangs. Mais Cruyff va 'choisir le Barça pour des raisons politiques et sentimentales. Politiques car le club madrilène est soutenu par le dictateur Franco et Johan Cruyff est un antifasciste convaincu. Et sentimentales, car le coach du club catalan n'est autre que Rinus Michels, l'homme qui l'a découvert à l'Ajax d'Amsterdam. Les socios du Barça accueillent le numéro 14 comme le Messie. Le club est sur le point de fêter son 75e anniversaire et n'a plus gagné le titre de champion depuis presque quinze ans. Très vite, le Camp Nou n'aura d'yeux que pour son nouveau diamant. Il débute sous ses nouvelles couleurs le 28 octobre 1973. Jusqu'à la fin de la saison.il ne perdra aucun match en Liga et offrira le titre de champion à son nouveau club. Mais c'est sans aucun doute le 17 février 1974 que Cruyff entra à jamais dans le cœur des supporters catalans. Ce jour-là, il se rend à Madrid pour disputer le Classico contre le Real. Depuis quelques années, le Barça perd ce match le plus important de l'année. En pénétrant sur la pelouse de Santiago Bernabéu, le numéro 14 sait qu'il peut tout changer. Et sous son impulsion, Barcelone va humilier Madrid en gagnant 5 buts à o ! Johan Cruyff est alors au sommet de son art. Dans le monde entier, il n'a pas d'équivalent. Tous les observateurs le considèrent comme le meilleur footballeur du monde et ils ont raison. Sur le terrain, il est tout simplement éblouissant.

Toujours en avance, véloce et intelligent, il est capable de marquer dans toutes les positions ou de faire des ouvertures millimétrées pour ses coéquipiers. «El flaco» (le maigre en espagnol), le surnom attribué par les socios du Barça en raison de sa silhouette très svelte, peut faire basculer n'importe quel match. Très endurant, il ne lâche jamais rien pendant 90 minutes. Et pourtant, son hygiène de vie est loin d'être parfaite puisqu'il lui arrive de fumer une cigarette sans filtre durant la mi-temps des matchs les plus importants. Quand arrive la Coupe du monde 1974, on se dit que l'heure du sacre définitif de Johan Cruyff est arrivée. Il a pourtant eu longtemps des problèmes en sélection où il débute le 17 octobre 1966. Quelques mois plus tard, à la suite d'un vilain geste, il est expulsé contre la Tchécoslovaquie. C'est le premier Hollandais à recevoir un carton rouge, une sanction qui a été créée à la suite de la Coupe du monde 1966 où les défenseurs ont rivalisé de violence sur les attaquants. La fédération hollandaise va lui faire payer très cher cet écart en le suspendant pendant un an. Rebelle et parfois un peu trop individualiste, Cruyff a du mal à se couler dans le moule de la sélection. Mais en 1974, il est là et bien là, avec le brassard de capitaine, prêt à offrir à son pays son premier titre international. Les «Oranje» sont les grands favoris de la compétition. Johnny Rep, Rudi Krol, Johan Neeskens et Robbie Rensenbrink forment avec Cruyff l'ossature de la plus grande équipe nationale hollandaise. Durant toute la compétition, ils dominent outrageusement leurs adversaires. Argentine est balayée 4 à o, grâce à deux buts de Cruyff, et le Brésil est battu 2 à o (encore une réalisation du capitaine hollandais dans ce match). Lors de la finale, organisée dans le stade olympique de Munich, tout le monde est persuadé que le trophée ne peut échapper aux Pays-Bas. D'autant que dès la première minute du match, Johan Cruyff part dans une série de dribbles incroyables dans la défense de la RFA. Fauché par Uli Hoeness dans la surface de réparation, il obtient un penalty, transformé par Neeskens. Le ton du match est donné et le capitaine hollandais est en train de gagner le duel annoncé avec Franz Beckenbauer, son seul rival pour le titre de meilleur joueur du monde. La suite du match va être catastrophique pour les Hollandais. Marqué à la culotte par Berti Vogts, Cruyff ne va être que l'ombre de lui-même. Incapable de faire la décision alors qu'il aurait pu tuer le match, il va s'écrouler mentalement et physiquement et redevenir un joueur comme les autres. Sans son génie, les Oranje ne sont plus les mêmes et vont perdre ce match qui n'aurait jamais dû leur échapper. Le cœur gros, les larmes aux yeux, le capitaine hollandais regarde Beckenbauer monter dans la tribune présidentielle pour soulever le trophée qui le faisait tant rêver. Il ne le sait pas encore, mais ce sera son unique Coupe du monde. Car en 1978, il ne sera pas du voyage en Argentine.

Opposé à la dictature militaire, on a longtemps pensé que la raison de sa non-participation à cette compétition était politique. Mais en 2008, il donna les vraies raisons qui l'ont poussé à quitter la sélection en 1977. Alors qu'il se trouvait à son domicile barcelonais, des hommes l'ont attaqué: «J'ai eu un fusil pointé sur la tête, moi et ma femme avons été ligotés et mes enfants dormaient dans leur chambre. Il y a des moments où le football passe au second plan et où d'autres valeurs doivent primer... » Inquiet pour sa sécurité dans des années soixante-dix où les enlèvements sont légion, il préfère mettre sa famille à l'abri. En 1978, miné par tous ses problèmes extra-sportifs, il décide d'arrêter sa carrière. Johan Cruyff, par ses prises de positions anti-franquistes (il appellera un de ses fils Jordi, un prénom catalan interdit par le pouvoir espagnol et s'affichera ouvertement solidaire des membres de l'Assemblée de Catalogne emprisonnés par Franco), est bien plus qu'un footballeur. Star planétaire, il sait que sa parole pèse et qu'elle peut être muselée dans la violence. Il pense pouvoir trouver un peu plus de sérénité loin des terrains et retrouver une vie normale. 

 Mais, à la suite de problèmes financiers, il doit rechausser ses mythiques crampons Puma et décide de tenter l'aventure aux États-Unis qui lui offrent un pont d'or. Le niveau du championnat américain ne l'enchante guère et, une fois ses problèmes d'argent réglés, il revient en Europe en 1981. Il gagnera deux nouveaux titres de champion des Pays-Bas en 1982 et 1983 avec l'Ajax puis un dernier en 1984 avec le Feyenoord Rotterdam, année où il raccroche définitivement les crampons. Johan Cruyff va ensuite entamer une brillante carrière d'entraîneur avec l'Ajax et surtout avec Barcelone avec qui il va remporter une Coupe d'Europe des Clubs Champions et quatre Liga. A la tête de cette équipe flamboyante, il va entrer davantage dans le cœur des Catalans. Il vit toujours dans la capitale de Catalogne et pèse encore sur le club. Intransigeant et rebelle, il est toujours l'une des figures les plus respectées du football mondial. Son numéro 14 reste pour toujours le symbole du beau jeu, du génie et du talent à l'état pur. Le « Hollandais volant», icône de ces années soixante-dix où tout semblait possible, est entré dans la légende du football mondial. À tout jamais...
















 


 


 



  

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