Wednesday, June 23, 2021

Premier League 2011 2012 Sawnsea Arsenal

15 Janvier 2012
Liberty Stadium Swansea

Referee:  M. Oliver
Attendance: 20409  


 Son douzieme but un douze match contre Leeds, douze minutes avant le coup de sifflet final, en 2012, en portant le numéro douze. C'était amusant pour les numérologues et les collectionneurs de statistiques, sans doute. Ça fera peut-être une note en bas de page dans le grand livre d'or de Thierry Henry à Arsenal, page 227, comme le nombre de buts qu'il a désormais marqués pour les Gunners. Mais ce n'était qu'un détail sans importance, une ligne qui défile au générique quand tous les spectateurs ont quitté la salle. Lundi soir, les chiffres, les stats, tout le monde s'en battait l'œil à PEmirates. Que ce soit Henry, qui les aime bien pourtant, les 59 615 occupants d'un stade qui a chaviré comme jamais, les millions dont les yeux plongeaient dans un écran de télévision, supporters de Tottenham y compris. Il n'y a qu'une seule vérité pour les sportifs, c'est ce qu'on voit d'eux sur le terrain, a dit Emmanuel Petit, qui était là, lui, et qui, après ce match, trimballait le maillot de son ami comme la relique d'un saint. La tunique sera mise aux enchères pour une association caritative au mois de juin, laquelle ne devrait pas s'en trouver plus mal pour cela.

«Mon premier but de Fan » Un saint, parfaitement. Le double contact de la « main du diable » contre l'Irlande, le bus de Knysna, les silences, les ambivalences, les réticences - envolées, toutes. Deux heures après le coup de sifflet final, Henry errait encore dans le bas-ventre de l'Emirates, le cœur gonflé d'une émotion devant laquelle même les plus cyniques devront s'incliner. « Mon premier but de fan », dit-il, ajoutant que la bouteille de Champagne à lui donner, l'homme du match, était « une plaisanterie ». Les mots lui manquaient, comme lorsqu'un mois plus tôt il n'avait pu retenir ses larmes en découvrant sa statue sur le pourtour d'un stade qui, jusqu'à lundi, n'était qu'un pis-aller pour son jardin de Highbury. Ce Henry de bronze, à genoux, c'est celui qui, gonflé de jeunesse, avait tué Tottenham en novembre 2002, au terme d'une course de soixante-dix mètres, pour en courir soixante-dix de plus dans sa célébration, fou de joie, mais aussi fou de colère. Contre Leeds, la colère avait disparu. Ne demeurait que la joie, dans toute sa pureté. Le cri du but, cette sorte d'anéantissement personnel qui était aussi celui de Marco Tardelli lorsqu'il marqua contre l'Allemagne en finale de la Coupe du monde de 1982. Qu'est-ce qu'un adulte? Un être humain qui a oublié ce qu'il était enfant. Lundi soir, l'adulte, cet amnésique, était resté au vestiaire. Le miracle du sport, et du football en particulier, est qu'il est une machine à remonter le temps de l'émotion, quelques semaines avant son retour en MLS, les délivre, même s'ils avaient été éliminés, on ne se serait souvenu de rien. Et là... On avait beau fouiller dans ses souvenirs, impossible de trouver un équivalent. Brian Glanville, quatre-vingts ans, doyen des journalistes anglais, quatorze Coupes du monde au compteur, demeurait coi, pour une fois. 

 La scène était en place, l'acteur principal en coulisses, ne sachant pas trop quel texte il devrait interpréter. La vaste salle de presse d'Arsenal était omble, comme si c'était Barcelone qu'on devait accueillir. David Beckham et Samir Nasri dans les tribunes. Martin Keown, Lee Dixon, Ray Parlour, Gordon Strachan et beaucoup d'autres «légendes» frottaient les coudes avec le correspondant de la gazette du quartier dans le lounge luxueux du club. Le scénario était écrit d'avance, encore fallait-il le jouer. Et ça, seul un vrai grand pouvait le faire, et le faire de cette manière. Ce geste, la frappe enroulée du pied droit dans le petit filet opposé après un départ à la limite du hors-jeu, tous les entraîneurs d'Henry le lui ont fait répéter, à Viry, à Claire fontaine, à Monaco. Un but copyright, en quelque sorte. « La forme est transitoire, la classe permanente », répète-t-on outre-Manche. Merci de l'avoir démontré, Titî.  Si on laissait de côté les doutes et les réserves, pour une fois? Après tout, l'Angleterre l'a fait. Le mardi matin, tous les quotidiens avaient la même photo en une, et elle était belle. Henry, explosant, les bras écartés comme un Christ; puis frappant sa poitrine dans un hurlement confondu avec celui de la foule, étreignant Wenger sur la ligne de touche, puis son préparateur physique Tony Colbert, communiant avec son peuple. Dieu sait qu'Henry a porté des masques en dix-sept années de professionnalisme ; mais tous sont tombés ce soir-là. On ne l'avait jamais vu ainsi. Sur les blogs des Gunners, même les supporters de Manchester United et des Spurs y sont allés de leurs hommages, comme ceux de Portsmouth s'étaient levés à Fratton Park après qu'Henry les a massacrés, ce qu'il n'a jamais oublié. Bienvenue en Angleterre. Thierry, te demandes-tu jamais pourquoi tu l'as quittée (en juin 2007) ? 

 Lors de sa conférence de presse d'après-match, Arsène Wenger, aux anges, n'a parlé que d'une seule chose : du conte de fées auquel il avait assisté, de la «magie» de cette soirée dans la prétendue «bibliothèque» de l'Emirates. Aucun des journalistes présents ne l'a interrompu. C'est qu'ils ne voulaient pas entendre autre chose que ce conte de fées improbable mais espéré par tous. S'il y avait bien un joueur capable d'en faire une réalité, ce devait être Thierry Henry. En janvier 2011, France Football l'avait croisé au terme d'une soirée de gala organisée en son honneur par l'association des « écrivains de football », comme on dit ici. Le héros du soir avait paru tendu. Ce n'était que de la nervosité, ou une manifestation de la méfiance que lui ont inculquée tant d'années passées au sein d'un milieu qu'il connaît parfaitement, mais qui, en définitive, ne lui ressemble gs. Une fois passée l'obligation d'être Henry, il était redevenu lui-même, volubile, passionné, charmant. Ce vrai Thierry, on l'a revu sur un terrain de Londres, comme par hasard, ou pas. Quoi qu'il advienne ensuite, un troisième tour de Cup dont personne ne se souciait vraiment demeurera l'un des sommets de sa carrière, un moment de vérité au sens propre, un de ces moments qui font qu'on se souvient pourquoi on aime tant le football, et pourquoi le gamin des Ulis est passé des « parties-pizzas » à son duplex de Manhattan : parce que, quels que soient ses défauts, il n'a jamais trahi son premier amour. Regardez son visage après ce but: il en serait incapable. Du fond du cœur, il a dit merci, et un stade s'en est fait l'écho. Joli métier que celui de footballeur. Joli passe-temps que celui de spectateur, en des soirées comme celle-là.


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