Groupe 5
Match Aller
17 November 1976
Parc des Princes
Match Aller
17 November 1976
Parc des Princes
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Finalement, l’aventure sofiote et le célèbre Mister Foote ont beacoup fait pour l’équipe de France quand arrive le moment d’affronter l’Eire en deuxième match éliminatoire de Coupe du Monde le 17 novembre 1976. On a pu, à la fois, l’admirer et la plaindre, célébrer ses vertus et pleurer sur ses infortunes. Un formidable courant s’est créé en sa faveur. Pour ce match contre les Irlandais, Michel Hidalgo aurait bien aimé aligner «les héros de Sofia» à l’exception du Bordelais Gallice condamné pour insuffisance de performance. Malheureusement, Synaeghel s’est fait fracturer le nez à Reims en championnat et comme Larqué n’est pas encore remis de son opération au genou, le milieu de terrain sera autre chose que ce qu’il était. La liste des vingt deux présélectionnés, envoyée dix jours à l’avance à la FIFA comme le veut le règlement aucun autre joueur ne pourra jouer le match est ainsi constituée: Baratelli, Bertrand-Demanes, Rey comme gardiens ; Battiston, Bossis, Rio, Trésor, Farison, Janvion, Lopez comme défenseurs ; Bathenay, Santini, Platini, Kéruzoré, Giresse, Michel comme demis ; Amisse, Lacombe, Rocheteau, Rouyer, Six, Soler comme attaquants. La présence de Kéruzoré parmi ces vingt-deux, puis sa titularisation aux côtés de Bathenay et Platini surprend les non-initiés, lesquels auraient penché plutôt vers le Niçois Guillou au profit de l’expérience, ou vers le Stéphanois Santini au profit de la cohésion. Mais « Kéru » sous le maillot bleu, à 27 ans, c’est une belle histoire de Breton têtu et romantique.
Né et révélé au Stade Rennais, cet étudiant en sciences avait tout pour être heureux dans son massif armoricain. On était venu le chercher, Dieu seul sait pourquoi, afin qu’il enjolive le jeu de l’O.M. comme si le soleil breton, tout de modestie vêtu, avait la teinte et la force du plomb méditerranéen. Kéru, après une saison de pénitence, avait retrouvé sa lande et ses genêts. Mais, souvent blessé, avait dû laisser son Stade Rennais tomber en Divivision II. Les imbéciles ne le lui avaient pas pardonné. On l’avait écarté, balayé, rejeté. Alors le poète s’en était allé à l’orée de la saison 1975-76. Il avait fait monter Laval en Divivision I et récemment, d’un pied de nez, avait contribué à faire tomber Rennes (3-1) sur son propre terrain. On ne parlait plus que de lui en Bretagne. Kéruzoré est au football ce que les impressionnistes sont à la peinture. A petites touches colorées, il établit sa vérité et enchante l’œil. C’est un créateur, capable non seulement de distribuer lumineusement les ballons mais aussi de provoquer l’action inattendue, d’une inspiration soudaine. Il est à l’origine d’une passe fulgurante, d’une ouverture à contre-pied, d’une percée meurtrière à l’issue d’une longue chevauchée. Avec ses longs cheveux et son style sautillant, il est le farfadet de la lande. «Je l’ai choisi de préférence à Santini, explique Hidalgo, parce qu’il était déjà avec nous à Sofia, qu’il connaît mieux l’équipe de France et qu’il s’intéresse particulièrement au jeu de nos adversaires. » Le choix de « Kéru » inquiète un peu les techniciens parce que le milieu de terrain tricolore risque de manquer de rigueur défensive face à ces satanés Irlandais et à leur redoutable attaque à trois pointes Stapleton-Heighway-Givens. « Oui, répond Hidalgo, mais il nous faut gagner, donc marquer des buts. Kéruzoré fait partie de ces joueurs insaisissables et toujours disponibles qui, par leur travail de balle et leur vivacité, surprennent souvent les Britanniques. »
Au coup d’envoi, le Parc des Princes est plein comme un œuf, agité de drapeaux bleu-blanc-rouge et soulevé par une fervente Marseillaise. Manifestement, la Coupe du Monde fait recette (cent millions dans les caisses) et l’équipe de France est redevenue la bien-aimée. Sur le terrain, le déroulement des opérations ne cadre pas avec les espérances. Rapidement, les problèmes tricolores sont mis en évidence dans tous les compartiments du jeu. La défense hésite entre le marquage individuel qui l’entraînerait loin de ses bases, ou le marquage de zone qui présente quelques dangers. Janvion par exemple doit faire face à Heighway mais également aux montées fréquentes du numéro 6 Brady, lequel se montre extrêmement redoutable par ses infiltrations et ses tirs du pied gauche. Ainsi, à la 20e minute, oblige-t-il Baratelli à un arrêt en deux temps et, à la 33e, donne-t-il à Givens l’occasion d’un tir manqué. Il faut dire que les Irlandais mènent bien leur barque sous la houlette de leur sélectionneur Johnny Giles. Celui-ci, à 37 ans, est encore l’un des meilleurs joueurs britanniques. Du temps qu’il était à Leeds, on le surnommait « le général » tant sa vision du jeu et son autorité étaient superbes. Passé à West Bromwich et malgré le poids des ans, il n’a pas changé. Là, sur la pelouse du Parc, il voit tout, incitant ses hommes à pratiquer un jeu précis et volontairement ralenti, mais très vite accéléré à l’approche du but français.
Face à un adversaire aussi matois, l’équipe de France ressemble à un chat qui ne voudrait pas se mouiller les pattes. Elle joue avec un mélange de circonspection et de sérénité, donnant l’impression de vouloir construire sa victoire plutôt que de la forcer en prenant des risques trop grands. Elle est solide, présente, brillante parfois, mais elle manque à l’évidence de l’élan collectif et de l’agressivité propres aux Verts. La foule, prête à exploser d’enthousiasme, commence à se lasser un peu : elle attendait d’autres tempêtes et d’autres frémissements. Elle ne veut pas d’une équipe qui se contente de bien jouer. Juste avant la mi-temps, l’occasion lui est donnée de s’enflammer mais pas tout à fait dans le sens que les puristes espéraient. Sur un dégagement de O’Leary, Bernard Lacombe, excédé par les irrégularités et l’agressivité irlandaises, se laisse aller à un geste méchant sur le jeune Irlandais en laissant « traîner sa semelle ». Il reçoit un avertissement mais également les menaces des Irlandais furieux. Pour ramener le calme, l’arbitre yougoslave M. Maksimovic inflige deux autres cartons jaunes au gardien Kearns et à la victime O’Leary trop prompt à se venger. En quelques minutes, le tango immobile est devenu java sauvage..
Pendant le repos, Michel Hidalgo intervient auprès de ses troupes pour remettre les idées en place. Il demande à Bathenay de serrer de plus près le terrible Brady afin de soulager Janvion, et il dit à tous : « Jouez plus groupés et plus court : vous vous fatiguerez moins et vous assoierez mieux votre propre jeu. Ensuite, dans le jeu latéral des défenseurs irlandais qui préparent le terrain pour leurs atta¬ quants, allez chercher le ballon. C’est là que vous devez le conquérir. » Aussitôt dit, aussitôt fait. A la 47e minute, juste après la reprise, Didier Six contre Giles trop sûr de lui. Michel Platini, en position d’avant-centre, s’empare du ballon, s’en va seul vers le gardien Kearns sorti à toutes jambes et le bat froidement d’un tir bien placé entre lui et son poteau gauche. C’est aussitôt un autre match, le vrai match que l’on espérait. A la grande voix de la foule répond enfin une équipe de France engagée, solidaire, dynamique et qui multiplie les tentatives de but. A la 51e minute, une reprise victorieuse est refusée à Trésor à la suite d’une très belle montée du Marseillais, pour une main apparemment involontaire. A la 52e, un tir terrible de Six puis un centre brossé de Platini mettent Kearns dans les transes. Mais rien n’est jamais définitivement dit avec les Irlandais. A la 55e minute, sur une très belle action de Brady et un centre, la tête de Givens abat Baratelli. Silence dans le stade ! Mais M. Maksimovic, imperturbable, annule le but sous prétexte d’un hors-jeu peu évident et aussi contestable que certaines décisions de M. Foote à Sofia. Deux minutes plus tard, dans un rush rageur, Givens est à deux doigts d’obtenir cette égalisation irlandaise qui se refuse, Trésor lui barrant héroïquement la route.
On a alors le meilleur de ce match, avec chez les Français un esprit d’entreprise constant, une recherche opinâtre de l’offensive juste et aiguisée, et, chez les Irlandais, des réactions vives, adroites, dangereuses, qui laissent planer l’incertitude sur l’issue de la partie. Un tir de Giles arrêté en voltige par Baratelli (64e) deux coups francs de Platini (66e, 73e), une percée de Rouyer (76e) qui a remplacé Lacombe, un tir de Six contré par Kearns (78e) témoignent de l’acharnement général. Cette équipe de France-là, avec sa plénitude, sa volonté, son allant, est bien digne de l’esprit de Saint-Etienne. Et le public le lui fait savoir en longs applaudissements chaleureux. Est-ce cette complicité, cette chaude communication, qui provoquent un dernier coup de rein des Bleus ? Toujours est-il qu’à la 88e minute, sur une nouvelle contre-attaque lancée par Platini et prolongée par Bathenay, le demi stéphanois déclenche de vingt mètres et du pied gauche un tir si violent, si inattendu, que le gardien Kearns ne peut esquisser un geste de défense. 2-0 pour l’équipe de France, et Paris qui brûle de passion. Malgré la satisfaction générale, les louanges sont mesurées. Michel Hidalgo admet qu’il a eu très peur en première mi- temps et que ses attaquants manquent trop d’occasions de but, maladie qu’il faudra tenter de guérir. : « L’équipe de France avait essentiellement à gagner ce match. Elle l’a fait, tant bien que mal. Cest pourquoi le soulagement dominait les réactions de son entourage. Il n’est jamais facile, en football, de faire les choses indispensables. « C’est un match, disait quelqu’un, qui, naguère, se fût terminé sous les sifflets et par 0 à 0. »
Il faut donc à la fois féliciter cette équipe d’avoir su échapper à ses sortilèges, et noter qu’elle a eu beaucoup de peine à y parvenir. Elle a parfaitement rempli son contrat, répondant ainsi à l’attente de tous ceux qui croient en son renouveau ; mais, en même temps, elle a, dans son comportement général, montré des lézardes qu’il serait peu loyal de cacher. » Encore une fois héros de la rencontre, Michel Platini dîne deux jours plus tard à la table du Président de la République, à la préfecture de Meurthe-et-Moselle. « On parle de votre transfert au Real Madrid. Qu’en est-il ? », demande M. Giscard d’Estaing à l’international lorrain. «C’est un bruit prématuré, Monsieur le Président, répond Platini. Je dois d’abord jouer la Coupe du Monde avec l’équipe de France.» Une équipe de France qui compte trois points après deux matches éliminatoires mais qui doit encore aller à Dublin, et recevoir les Bulgare. « It’s a long way » comme le dit la chanson.
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