Quart Finale Aller
4 Mars 1981
Geoffroy Guichard
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Les clubs français ne sont pas les seuls à faire la course pour la victoire finale, loin s'en faut. Parmi les vaillants et les musclés, on en remarque surtout un capable de tout renverser: Ipswich, ex-champion d'Angleterre, candidat à quatre couronnes, du titre anglais à la Coupe de l'U.E.F.A. en passant par la «Cup» d'Angleterre et la Coupe de la League. Pierre Garonnaire s'est précipité pour la voir à l'œuvre dès le tirage au sort des quarts de finale. Il en est revenu à la fois séduit et épouvanté: «C'est un nouvel Ajax, capable de défendre et d'attaquer à cinq ou à six, sans jamais faiblir». On a pris Garonnaire pour un gentil illuminé ou pour un malin désireux de motiver les Verts. Et on a attendu la venue de ces « Ipswichiens » précédés d'une réputation si flatteuse, tout en remarquant que, lors des trois tours précédents, ils n'ont pas gagné une seule fois à l'extérieur contre Aris Salonique (5-1, 1-3), Bohemians Prague (3-0, 0-2) et Widzew Lodz (5-0, 0-1).
La veille du 4 mars 1981, Robert Herbin ne cache pas l'estime dans laquelle il tient, lui aussi, l'équipe d'Ipswich mais il confirme la confiance qu'il a dans le Saint-Etienne nouveau «dix fois plus solide en défense, mieux équilibré au milieu de terrain et surtout mieux rôdé, plus consistant ». Il redit aussi que « la clé du match résidera dans notre volonté et dans notre faculté de traiter d'égal à égal avec les Anglais sur le plan athlétique». À propos d'Ipswich, Herbin décrit ainsi son jeu: «C'est une équipe de toute première valeur que je compare au grand Ajax, ou au Liverpool qui nous élimina il y a quelques années, voire au meilleur Hambourg. Formation très solidaire, très soudée, très dynamique, comportant de bons techniciens supérieurement armés sur le plan athlétique. C'est une équipe pratiquant un football assez britannique dans la phase terminale, mais préparant son jeu offensif d'une manière plus continentale. Il est certain que l'influence des deux joueurs hollandais, Thijssen et Muhren, y est pourquelque chose. L'équipe sait se regrouper et faire bloc de façon homogène quand l'adversaire est menaçant, ne laissant alors que deux hommes devant, Mariner et Brazil, mais devient très redoutable, dès que le ballon a été récupéré, par la clairvoyance, l'habileté de ses deux demis hollandais, par l'efficacité de Wark, le buteur, qui est en fait un quatrième attaquant, et par la mobilité constante de ses avants de pointe : Gates, Mariner et Brazil. C'est d'ailleurs cette efficacité offensive répartie sur plusieurs joueurs qui constitue le point fort d'Ipswich.
On est tout de même rassuré quand, après un quart d'heure de jeu à Geoffroy-Guichard (stade plein, évidemment: 36919 spectateurs) et après quelques fantaisies des « Ipswichiens » (percées de Gates et Muhren), une action superbe donne l'avantage aux Verts : balle donnée de la gauche par Zanon, tête de Rep au milieu des défenseurs anglais (16e, 1-0). Cet avantage n'est malheureusement qu'illusoire car les Anglais font la loi sur le terrain par leur jeu court et précis, leurs actions de préparation en triangle avec trois joueurs, les « promenades » de leurs deux avants de pointe Mariner et Brazil surtout le front de l'attaque, et leur adaptation quasi magique au terrain lourd et aux rebonds inattendus du ballon. Cette supériorité globale est, en outre, accentuée par le marquage de zone trop lâche des défenseurs stéphanois et par des fautes de placement sur les centres aériens ou les débordements par les ailes des Anglais. A la 28e minute par exemple, Castaneda hésite à sortir au-delà de son deuxième poteau et permet à Mariner de récolter de la tête une transversale de Muhren (1-1). Puis, après qu'un but a été refusé à Rep pour hors-jeu (31e) et que Platini a tiré au ras d'un poteau (44e), c'est l'exécution des Verts : balle récupérée en retrait par Muhren, qui frappe un poteau avant de rentrer (47e) ; centre de Brazil, tir de Butcher repoussé par Castaneda, reprise victorieuse de Mariner (58e) ; centre de Butcher, ballon frappé de la tête par Wark (77e), poteau et but. 4-1 pour Ipswich, et un stade fort décontenancé. «C'est la réplique de notre match à Hambourg, constate Herbin. Mais à l'envers, malheureusement ! » « Pour battre ces Anglais, il aurait fallu un très grand Saint-Etienne, ce qui n'a pas été le cas», regrette Roger Rocher. « Inadmissible, rage Lopez. Quand on perd 2-1 sur son terrain et qu'on voit la qualification compromise, on serre le résultat et on essaye de faire 2-2 en pensant au match-retour. »
Le match-retour, il n'y en a pas, ou guère, dans les esprits. Les Verts jouent cependant un bon match à Ipswich, reviennent à 1-1 à dix minutes de la fin (Zimako, 80e après Butcher, 46e) et se font abattre 3-1 dans la dernière ligne droite (Wark, 82e sur penalty ; Mariner, 90e). Ipswich est alors l'une des meilleures équipes d'Europe, sinon la meilleure, pratiquement invincible. Mais elle joue trop, au rythme de trois, voire quatre matches par semaine. Elle perd ainsi d'un cheveu, d'un zéphir, la Coupe de la League, puis la Cup, puis le championnat auquel elle tenait tant. Va-t-elle tout perdre, comme Arsenal, en 1980 ? En demi-finale, contre l'adversaire le plus redoutable restant en lice - le Cologne de Rinus Michels et de Tony Woodcock- Ipswich trouve suffisamment de ressources pour gagner deux fois 1-0 : but de Wark (34') en Angleterre, but de Butcher (64e) en R.F.A. La finale est là, qu'il faudra gagner «si nous voulons rappeler aux Anglais que nous étions, cette saison-ci, la meilleure équipe du pays» (dixit Robson, manager d'Ipswich). Ils la gagneront.
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