3 mars 1993
Stade de l'Abbé-Deschamps
Louis Van Gaal pique alors une colère monumentale. Pour lui, il n’y a qu’un seul responsable du fiasco de l’Abbé- Deschamps, c’est son gardien. Il ne prend même pas en compte la valeur de l’équipe d’Auxerre, sa capacité à gérer un match, l’addition d’une multitude de jolis talents, rien. Il en veut à Menzo et il l’envoie convoyer le matériel de l’équipe. Celui qui fut huit ans durant l’inamovible gardien de l’Ajax n’a plus en charge désormais que la garde de gros sacs de linge sale. Mais comme son remplaçant, le blondinet Edwin Van der Saar, ne vaut pas grand- chose, Menzo peut encore espérer. . . Que peut-on attendre de cet excité de Van Gaal ? » laissent tomber, fatalistes, ceux qui estiment dans l’entourage de l’Ajax que l’entraîneur se trompe souvent de cible. « C’est lui qu’on devrait virer ! » entend-on parfois. On ne lui a jamais pardonné en effet la façon dont il s’est débarrassé, en octobre 1992, de Bryan Roy, la nouvelle perle noire de l’Ajax.
Aujourd’hui on guette sa réaction, on attend un sursaut d’orgueil sur la pelouse légendaire du stade olympique d'Amsterdam, mais l’on ne verra rien venir, à l’exception d’une solide occupation du terrain avec un milieu de terrain puissant. Bergkamp est égal à lui-même, fin tacticien, organisateur subtil, mais il n’est pas toujours suivi dans ses intentions par le reste d’une équipe plus fruste techniquement. Comme la défense, par ailleurs, est loin de manifester la sérénité génératrice des bouleversements profonds, on assistera à une longue domination de la « divine » d’Amsterdam, sans trembler pour autant pour les Bleus d’Auxerre. Ajoutons au tableau que le gardien Edwin Van den Saar semble capable de leur offrir à tout instant un cadeau royal. Christophe Cocard a failli en profiter dès l’ouverture des débats. Sans cesse au bord de la rutpure, Van den Saar est le plus sûr complice des velléités auxerroises. Il suffit de le pousser à la faute. Mais il manquera toujours un petit quelque chose à Verlaat, Martins, Baticle, Cocard, Vahirua pour lui faire comprendre qu’au football il faut se servir de ses pieds, ce que le bon Edwin ignore visiblement. « Des pieds trop éloignés du cerveau », ironisera quelqu’un.
Auxerre ne réussira pourtant pas à marquer et devra faire front à la vague des offensives néerlandaises. Quand, d’un coup de tête à la 60e minute, le défenseur Frank de Boer redonne l’espoir aux 50 000 spectateurs du stade olympique, il reste une demi-heure de jeu et l’Ajax n’a besoin que d’un but pour sauvegarder son statut de Grand d’Europe. Il s’emploie alors à rester fidèle à sa légende. Le jeu se crispe. Auxerre ne doit pas plier. Les attaquants, Cocard et Vahirua, sont lessivés. Ils ne portent plus le danger devant Van den Saar. Pour tenir, Martins use de sa technique, Dutuel de son abattage, Verlaat de son calme, Prunier de son courage, Goma de sa lucidité. La défense résiste devant un Bruno Martini héroïque qui sortira deux balles successives de Petterson et de Bergkamp en guise de conclusion. Auxerre s’est défait de son complexe,
Cette courte défaite à Amsterdam correspond pour finir à un formidable triomphe, un exploit digne de la chronique fabuleuse signée cette saison par le football français. Comme l’écrit Christian Jaurena dans Libération : « La Bourgogne s’inscrit désormais sur la carte d’Europe autrement que par son vignoble. . . L’exploit est là, inaltérable et un peu légendaire si on aime les histoires des petits qui triomphent des grands. » Pour une fois, le talent et l’impertinence que l’on reconnaissait généralement aux Auxerrois ont su trouver un prolongement. À l’AJA, plus rien ne sera plus pareil. Fini « le patron » du père Bonnefoy, on se « shoote » à l’Euro !...
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