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Quand l’Afrique s’éveillera... Car l’Afrique du football est bel et bien réveillée, elle qui a appris de la vieille Europe tous ses schémas tactiques, qui a réussi le difficile alliage de l’inspiration et de la rigueur et qui a su éviter à ses athlètes de tomber dans les pièges des combats de tranchée. Oui, l’Afrique a sauté à pieds joints dans le football de la modernité, un football qui, tout en aseptisant quelques beaux principes, sait ne pas tuer les bonnes intentions. Car un football, aussi doué, aussi généreux soit-il, ne peut pas vivre de chimères en se repliant sur lui-même et en n’existant qu’à sa propre écoute. Pour s’épanouir, le football africain a su s’ouvrir sur le monde en s’inspirant de ses méthodes, en les adaptant à ses spécificités, et en se préservant de vendre son âme.
Pour la première fois dans l’histoire de la CAN, 12 équipes vont participer à la compétition. Il s’agissait de la cinquième participation du Sénégal. La génération de Jules François Bocandé revenait d’une demie finale perdu en 1990 face à l’Algérie. D’ailleurs c’était la dernière CAN de cette génération de Caire 1986. Une CAN particulière pour le Sénégal qui organisait pour la première fois cette compétition avec le soutien de la population qui n’a pas hésité pour débourser et participer à l’organisation. Logé dans la poule A, le Sénégal était avec le Kenya et le Nigeria. Ce dernier va le battre d’entrée le 12 janvier 1992 au stade Leopold Sedar Senghor (2-1). Jules François Bocandé avait réussi à égaliser à la 36e minute. Pour sa deuxième sortie, devant 50.000 spectateurs les lions de 1992 vont battre le Kenya (3-0). Des buts de Sané , Bocande et Victor Diagne. Deuxième de la poule, ils vont se qualifier pour les quarts de finale. La grosse désillusion de cette génération! Le Cameroun va éliminer le Sénégal à domicile but avec un but de Ebongué à la 89e minute. Une défaite de trop. Les joueurs avoueront plus tard “passer à côté de leur CAN” La CAN 1992 sera remporté par la Côte d’ivoire qui bat le Ghana aux tirs au but (11-10).
Au Sénégal le jeu n’a point oublié ses racines. Mais il les a plongées dans le ferment qui fait les grandes équipes du continent européen. Son jeu a peut-être perdu en fantaisie, mais il s’est hissé à un niveau jamais atteint. La candeur, qui pouvait faire son charme, n’est plus à l’ordre du jour. Elle a disparu au profit d’un sérieux et d’un professionnalisme indiscutables. Les sélections engagées dans cette CAN 92 n’étaient d’ailleurs pas venues pour présenter des spectacles divertissants. Elles représentaient toutes des nations qui veulent se faire entendre, et elles défendaient des enjeux nationaux que nous avons du mal à imaginer. Footballistiquement, les progrès accomplis sont indéniables. On attendra maintenant cette Afrique en marche au détour des plus grands rassemblements mondiaux.
A Alger, l’élimination de l’équipe nationale dès le premier tour de la CAN est passée presque inaperçue. C’est que l’Algérie, tenant du titre, a la tête ailleurs. Là-bas, c’est alors le FIS qui tape au but et qui arbitre dans le même temps la vie politique d’un pays en état d’urgence. Un moment interrompu en raison des graves incidents qui se déroulaient dans les rues, le championnat algérien avait finalement repris dans l’indifférence générale. Et, sous la double conduite de son tandem qu’on croyait magique, Kermali, l’entraîneur, et Madjer, devenu son adjoint en même temps qu’il continuait à faire ses arabesques sur le terrain, la sélection algérienne était partie au Sénégal sans conviction. Avec la situation politique dans le pays qui ne cessait de se dégrader, les joueurs passaient plus de temps au téléphone que sur les terrains d’entraînement.
Qu’il paraissait loin le temps où, en 1990, ils avaient su exploiter à fond l’avantage d’évoluer chez eux, devant un public passionné, pour s’imposer nettement et enlever cette Coupe d’Afrique des Nations pour la première fois de leur histoire. Cette fois, les choses étaient bien différentes. Avec les imams qui orchestrent la vie d’un peuple inquiet, la situation économique des plus préoccupantes, le chômage qui galope et, dans les rues des quartiers les plus modestes, comme à Bab-el-Oued, la foule des désœuvrés qui attend sans trop y croire les mots d’ordre du FIS... l’Algérie, qui avait adopté la religion du foot par amour, ne croit plus à ses vertus. « Comment voulez-vous qu’on aille au stade ou que l’on s’intéresse au football, alors qu’il y a quelques jours, il y avait des cadavres dans les rues », laissent tomber sans colère des hommes qui ont à peine commenté la sévère défaite (3-0) enregistrée à Ziguinchor par leur équipe nationale face à la Côte-d’Ivoire. La qualification pour les quarts de finale n’intéresse plus, et le match nul (1-1) arraché un peu plus tard à l’équipe du Congo est accueilli dans la plus grande indifférence.
Pourtant, Rachid Mekloufi, l’ancien stratège stéphanois devenu la figure emblématique du football algérien, ne croit pas que cette situation soit directement liée aux événements politiques qui ont ébranlé la nation. « Les gens, explique-t-il, ne vont plus dans les stades parce qu’ils s’y ennuient. Si le niveau du jeu était meilleur, les jeunes reviendraient. La politique n’a rien à voir là-dedans... Le pouvoir, qui a craint les rassemblements de foule en pensant qu’ils seraient des lieux de contestation privilégiés, a décrété l’état d’urgence et fermé les stades. Moi, j’estime que le pouvoir a eu tort car il ne faut jamais avoir peur de son peuple! » « Nous avons d’autres chats à fouetter », dit un des deux frères Assad, proches du FIS après avoir tenté leur chance dans le professionnalisme en France puis en Suisse. « Avant le foot était ce qu’il y avait de plus important dans la vie des Algériens. Ce n’est plus le cas. » L’Algérie dans la trappe dès le premier tour, tout de même, la surprise est considérable Ce ne sera pas la seule.
L’enseignement majeur de cette ouverture de la CAN concerne les représentants de « l’Afrique blanche ». Outre l’Algérie, le Maroc - héros du Mondial 1986 - et l’Egypte - étonnante lors du Mondiale 1990 - sont également tombés dans le traquenard du premier tour. C’est l’échec le plus net des nations arabes, dominées par la vitesse et la masse athlétique des joueurs de l’Afrique noire. La technique, finement ciselée et posée précautionneusement sur le terrain par des joueurs appliqués mais trop lents, n’a pas pesé lourd face à l’engagement des footballeurs athlètes d’Afrique centrale. Au Sénégal, vivante frontière, le nord de l’Afrique s’est effacé devant le football issu du peuple noir. Deuxième constatation : l’intégration massive d’éléments évoluant dans les championnats professionnels européens (107 sur 264 joueurs) a apporté à la première phase de la compétition africaine une rigueur et un sérieux qui n’ont fait qu’ajouter à la qualité d’un jeu dont on ne vantait autrefois que la fantaisie et qui a donc considérablement mûri.
Troisième point important : les carences de l’arbitrage ont terni la compétition par des décisions aberrantes, à la limite du ridicule. Compte tenu de l’évolution du jeu, le fossé paraît énorme avec cet arbitrage insignifiant, incohérent et surtout indigne d’une compétition à l’échelle d’un continent.
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